Tout est relatif. Pour le commun des mortels, rien de plus ordinaire que le décollage le 28 juillet 2012 à 8 h 25 du Vol AA 431 de Miami, Floride à destination de San Francisco, Californie. C’est l’un des 1000 avions qui décolleront ce jour de l’aéroport de Miami emportant en moyenne 97 800 passagers par jour (statistiques de 2010). Mais pour les dix amis décidés à passer ensemble cinq jours inoubliables en Californie, ce vol est unique !
Ce voyage est rendu possible grâce à Sofia qui a toujours de la suite dans les idées. Elle a transformé en réalité une idée lancée en l’air pendant une réception à laquelle ses amis se retrouvaient. Après avoir consulté tous les intéressés, elle a choisi dates, vignobles à visiter, activités, hôtels et maisons où séjourner. Planification parfaite accomplie non sans une part de stress, car la propriétaire d’une maison de Santa Rosa louée pour cinq nuits, payées trois mois d’avance, annonce finalement l’indisponibilité de ce logement. En effet, pour la première fois depuis des années qu’elle la loue sur du court terme, la villa est accordée par erreur à deux groupes différents pour la même période. L’argent sera retourné à notre groupe qui doit chercher un autre hébergement. Cependant, pas moyen de trouver quelque chose pour les mêmes dates. Or, les voyageurs enthousiastes ont déjà tous acheté leurs billets d’avion. La moitié du groupe n’étant jamais allée à San Francisco, la solution trouvée est d’y passer une nuit.
San Francisco nous accueille donc dans son bel aéroport moderne, d’une propreté scintillante ! « Visibilité exceptionnelle sur une distance de dix miles », nous a annoncé le pilote de l’avion au moment de l’atterrissage. Les paysages secs et arides que nous voyons des hublots ne sont pas ceux auxquels nous nous attendions. Ils ne nous laissent aucunement présumer du froid qu’il fait dehors. Le vent et les cinquante degrés Fahrenheit qui nous frappent au point d’attente de la navette, qui nous amènera au terminal de location du van de douze places que nous avons loué, nous surprennent fortement ! Ce temps glacial nous obligera à porter des vestes chaudes pendant nos vingt-quatre heures passées dans cette ville.
Dix haïtiens, – y compris Maria, née en Colombie, mais Haïtienne par affection – qui voyagent pour cinq jours, cela fait beaucoup de bagages. Quand il faut embarquer dans le minibus qui vient nous chercher, nous nourrissons quelques inquiétudes pour Sofia et Maria qui s’installent en dernière rangée, noyées et totalement coincées au milieu des bagages. Pourvu qu’elles ne soient pas écrasées par les valises !!!
Sofia, toujours à l’écoute des autres, se laisse recommander un hôtel par Luc Arthur : le Clift Hôtel sur Geary Street. Le décor des lieux est fascinant : très « in » ! Un hommage à la chaise dans un cadre que les quinquagénaires que nous sommes jugeons très sombre. Chaise géante, chaises modernes, chaises anciennes, chaises en métal glacées quand on s’y assied, chaises en bois, chaises rembourrées, chaises confortables, chaises inutilisables, placées partout dans les espaces communs dans lesquels un service d’emprunt de torches électriques pour permettre aux clients de mieux se diriger ne serait pas inutile. Clift hôtel se situe à trois blocs d’Union Square, cette superbe place sous laquelle le premier parking souterrain au monde fut construit. Parmi les magasins qui bordent la place, il y a un magnifique Macy’s où seule Myrna pénètre afin d’y acheter un cadeau pour Sofia dont c’est l’anniversaire le lendemain de notre arrivée. Michou, la cousine d’Alain qui vit à Los Angeles, a fait le voyage à San Francisco avec sa fille Véronique pour nous rencontrer. Toutes deux séjournent au Ritz Carlton où nous allons prendre un verre avec elles, au lobby de leur hôtel, dès le jour de notre arrivée.
Nous décidons ensuite d’aller nous promener au Chinatown de San Francisco où Freddie s’achète des racines de ginseng qu’il mâche pendant tout le séjour. C’est source de taquineries des autres hommes du groupe, curieux d’apprendre de Freddie lui-même les vertus de ces racines. Celui-ci préfère toutefois entretenir le mystère … Agnès aussi se montre mystérieuse. À Chinatown, elle rentre dans un magasin de thé chinois, en sort très vite et sans paquet. Les amis pensent qu’elle n’y a rien trouvé. Comme ce sont des amis soucieux de se faire plaisir entre eux, ils demandent à Agnès si elle veut chercher ailleurs ce qu’elle pensait se procurer dans ce magasin où elle est rentrée seule durant à peine une minute. …
-Merci, ça va, répond-elle, j’ai acheté ce qu’il me fallait.
L’imagination des voyageurs part au galop ! Ils spéculent tous autour de l’achat d’Agnès qui n’a pas révélé ce qu’elle cherchait, mais qui a si vite trouvé son objet secret. Peut-être du ginseng pour femmes, suggèrent quelques-uns, plutôt du ginseng pour Adrien qui craint les taquineries et préfère que sa femme lui en achète, répliquent d’autres. Les réponses à cette devinette fusent, toutes amusantes, distrayantes et elles provoquent de bons éclats de rire… C’est tellement mieux de laisser vagabonder les esprits plutôt que de révéler une vérité toute simple et, tout compte fait, ennuyeuse : de petites roses rouges desséchées achetées pour garnir de bonnes tasses de thé chaud, petit chic appris de son amie chinoise Lai Ching.
Il nous faut une bonne adresse pour fêter l’anniversaire de Sofia à San Francisco pendant que Michou est avec elle. Ronald nous recommande « The Slanted Door », restaurant de cuisine vietnamienne moderne, localisé dans le Ferry Building avec une belle vue sur le Bay Bridge. L’endroit est bondé de clients, preuve de sa grande renommée méritée. Repas délicieux avec comme dessert une barbe à papa surmontée d’une bougie nous permettant de chanter en chœur : « Bon anniversaire » à Sofia ! Pendant la soirée, notre serveur porte visiblement beaucoup d’intérêt à Freddie. Ceci n’échappe pas à l’œil taquin de Réginald qui, lui-même, méritera bien d’être taquiné le lendemain.
Réginald s’est désigné copilote du van de douze places que nous avons loué. Par conscience professionnelle, peur du mal de voiture ou les deux à la fois, le fait est qu’il ne cédera en rien sa place durant tout le séjour. Pour le voyage, Freddie a amené avec lui un GPS Garmin auquel Myriam a affectueusement donné le prénom « Georgette », adopté finalement par tous. Cependant, il s’avère que notre copilote Réginald met du temps à s’adapter à cette technologie. À taquin, taquin et demi :
-Réginald, « Georgette » c’est la technologie mise aux mains d’un tiers-mondiste, nous plaisons-nous à lui dire.
Comme pour le confirmer, quand nous laissons San Francisco pour nous rendre à Santa Rosa, nous demandons au copilote placé dans le cockpit de rentrer l’adresse de la maison louée, donnée avec précision : 4900 Carriage Lane, Santa Rosa, CA 95403. Réginald s’applique à la tâche, avec des « attends, attends », prononcés sur un ton qui fait s’esclaffer les passagers du véhicule… Après presque trente ans passés aux États-Unis, Reginald n’a pas perdu les expressions et l’intonation haïtiennes. En attendant que le GPS soit programmé, Alain commence à rouler dans la ville, à la recherche de l’autoroute 101 devant nous amener à Santa Rosa. L’opérateur de « Georgette » a enfin mené à bout sa mission et installe l’appareil sur le pare-brise. Alain commence alors à suivre les instructions données par « Georgette ». Il s’étonne : il semble que son sens d’orientation ne soit pas aussi infaillible qu’il aime le dire. « Georgette » lui fait prendre une autre direction que celle à laquelle il pensait. Alain obéit néanmoins. Grande surprise ! Une demi-heure de route pour nous retrouver devant le Clift Hôtel, notre point de départ ! Ce serait difficile de trouver une situation déclenchant plus de rires que celle-là ! Qu’a donc programmé Reginald ???
Quelque temps plus tard, nous arrivons au Ranch Wiki Up de Santa Rosa, grande écurie transformée en résidence que nous avons louée. Freddie fait partie, comme tout le groupe — à l’exception de Maria — de la diaspora haïtienne installée en Floride. Il trouve pratique de donner des noms aux différentes zones de cette immense demeure. Les noms choisis témoignent d’une nostalgie de son pays que tout le groupe ressent et garde secrète, mais dévoile, chacun à sa manière. Freddie déclare donc que :
-Myrna et lui logent à « Bourdon », appartement sur deux niveaux, placé sur la façade rue, Carriage Lane.
-À un angle opposé à « Bourdon » se trouve la chambre principale avec salon intégré, toilette attenante, un salon extérieur, son placard walk-in et sa climatisation que Freddie dénomme « La Boule ».
-L’autre quartier abrite deux chambres, un petit salon avec des sofas-lits se partageant une toilette et se nomme ” Turgeau ».
-Le cottage sans toilette des Nadal qui doivent « traverser la rue » pour prendre un bain ou utiliser d’autres services est le « Bel Air ».
C’est dans cet immense territoire avec sa belle cour intérieure flanquée d’un jet d’eau que séjournent dix amis quinquagénaires et une brave jeune femme, Victoria, pendant quatre jours. Les personnalités sont différentes et se complètent.
Alain se caractérise par le dévouement. Il s’est ainsi offert comme chauffeur du groupe en donnant l’argument infaillible qu’il ne boit pas, que personne du groupe ne pourra donc le remplacer. L’activité principale projetée par ce groupe étant la dégustation de vins, Alain devient un élément clef du voyage. Le groupe développe donc dès le départ une dépendance totale au couple Nadal composé de Sofia, l’organisatrice et d’Alain, le chauffeur. En plus d’être un chauffeur sobre, Alain est aussi maître en BBQ. Lui seul contrôle cet important instrument sur lequel sont grillés maïs et viande pour la maisonnée. Sans oublier sa délicieuse recette d’oignons grillés.
Sofia, quant à elle, représente l’amie au service des autres, effectuant les réservations d’hôtel, de restaurants, de villa, de dégustations de vin. Elle prépare aussi les menus, la liste pour le supermarché et l’exécute. Toujours pleine d’énergie, elle planifie tout et s’assure que tout se passe bien.
Freddie, lui, se montre observateur. Il remarque dans la cour des petits insectes desséchés ressemblant à des extraterrestres. Il les ramasse délicatement et les place de manière insolite comme des décorations à l’intérieur de la maison. Freddie est également très cultivé. Quand Sofia a annoncé que nous visiterions, sur recommandation de Luc Arthur, le château Montelena, il savait qu’en 1976 un chardonnay de ce château avait gagné un concours très strict à Paris. Il avait lu leur histoire et avait vu le film « Bottle Shock » tourné autour de ce sujet. En promenade, il fait remarquer que les plantations de vignes dans les vallées de la Californie se réalisent en terrains plats alors que les plantations bordelaises qu’il avait eu la chance de voir sont plutôt plantées sur les coteaux. En outre, quand l’on se renseigne sur les activités possibles dans le parc du geyser « Old Faithful » qu’Agnès a vraiment envie de visiter, lui seul sait que les chèvres qui s’évanouissent sont l’une des attractions du parc. Réginald prend plaisir à l’appeler « désordre », surnom qu’utilise souvent sa mère en parlant de lui, nous informe-t-il. Serait-il plutôt étourdi ? Un soir, voulant aider, en transportant un plat contenant toute la viande cuite du BBQ vers la table, il laisse accidentellement tomber sur le gravier ce trésor avidement attendu par la foule affamée. Panique du groupe. Ronald sauve la situation.
Ronald a beaucoup de talents. C’est notamment un chef cuisinier !
-Rinçons la viande et repassons-la sur le gril quelques minutes, suggère une des femmes.
-Lavons-la et recuisons-la, elle était cuite saignante, nous la ferons à point, propose une autre.
Les idées jaillissent et le chef parle :
-Non, ne rincez pas. Repassez-la quelques minutes sur le grill. Le feu purifie tout. Ce sera vite fait et rien ne sera enlevé de la saveur.
Ronald est aussi un photographe hors-pair, captant avec sa lentille de caméra la beauté partout où elle se trouve : fleurs, paysages, expressions, scènes de la vie, rien n’échappe à son œil d’artiste. Ronald est encore musicien, et à Santa Rosa, nous sommes réveillés tous les matins au son du piano joué par lui.
Maria est une femme d’une délicatesse discrète. Comme un petit elfe, elle prépare le café le matin. À son réveil, elle ouvre sans bruit les portes de la maison et les referme discrètement les soirs. Dans l’immense demeure divisée en quartiers que nous avons louée, elle est logée à Turgeau, zone où des toilettes desservent cinq personnes. On ne sait jamais à quel moment elle les utilise. Sans aucun doute, elle surveille le moment où personne n’en a besoin pour y aller, utilisant parfois les autres toilettes mises à la disposition du couple Nadal. Dans la cuisine, elle est le complément discret et efficace de Ronald. Sa délicatesse est exceptionnelle. Elle a même pensé à voyager avec des bougies à mettre sur le gâteau de Sofia pour son anniversaire !
Myrna est humble. Elle dit ne pas savoir cuisiner. Elle observe chef Ronald pour qui elle fait le marmiton. La vaisselle propre, c’est son affaire ! Elle ne laisse personne la remplacer pour cette tâche ! Pourtant, nous savons tous combien Myrna prépare le meilleur kibbi cru et le plus délicieux des bœufs bourguignons. Myrna est également une remarquable femme d’affaires chez qui l’attachement à son pays se dénote par le fait que ses clients sont tous installés en Haïti.
Reginald est le connaisseur en vins. Il déguste les vins avec plus de savoir que le reste du groupe qui semble souvent attendre son appréciation avant de se prononcer. Reginald est aussi un grand taquin qui tourne tout à la raillerie, notamment quand Sofia lui a fait manger, contrairement à ses habitudes, de la salade ou quand Adrien s’est acheté un pyjama pour le séjour. Reginald paraît plein d’énergie et infatigable.
Myriam est brave et admirable. Elle surmonte sa douleur physique pour faire plaisir à son mari et à ses amis qui ne feraient pas ce voyage sans elle. Elle ne se plaint jamais, fait l’effort d’aller faire les marches matinales avec les dames, stoïque et courageuse. Myriam est vigilante quand il s’agit de ses amis. Ainsi, quand au château Montelena, Agnès a été abordée avec intérêt et insistance par une dame de Portland, en Oregon, elle s’est entendue réprimander sévèrement par Myriam :
-Agnès, assez parlé à cette dame. Ou pa we madame lan gin yon crush on you ? (1) Où est Adrien ? M.I.A. (missing in action) !
Myriam constitue aussi un frein à l’enthousiasme débordant de son mari, Reginald, qu’elle regarde souvent avec les yeux d’une adolescente amoureuse. C’est beau à voir.
Adrien connaît, quant à lui, tous les noms de fleurs : hortensias, bégonias, roses, lys, caprices… et d’arbres : cyprès, pin, chêne, if, platane ; il épate la gent masculine avec ses connaissances. À force de tant voyager pour son travail, il s’est fait des amis un peu partout dans le monde. À Santa Rosa, à quelques kilomètres de la maison où nous logeons, se trouve la résidence d’été de l’un de ses amis français marié à une Américaine ! Agnès et Adrien y sont invités pour une soirée pendant laquelle ils abandonneront le groupe qu’ils retrouveront fort tard dans la soirée, encore assis autour de la table du dîner, partageant éclats de rire et taquineries envers Sofia qui, ce soir-là, ne les avait pas nourris à leur faim, disaient-ils, leur imposant un régime inhabituel de feuilles auquel Alain avoua être contraint et résigné depuis longtemps. Leur sort ne semblait pourtant pas à plaindre. Ils ne faisaient point pitié. Leurs éclats de rire étaient ininterrompus !
Agnès suit le groupe, heureuse d’avoir des amis aussi exceptionnels. Tous ces talents et compétences mis ensemble font qu’il ne lui reste plus grand-chose à faire… Elle est à l’affût du moment où elle peut aider à la cuisine, mettre le couvert, débarrasser la table, nettoyer le comptoir, ranger la vaisselle propre et constate que l’occasion ne se présente pas souvent…. Elle est bouche-trou dans un système qui n’a pas de failles… Elle se repose plus que les autres pendant ces vacances, se réveillant plus tard que les dames, et, de ce fait, ne participe qu’une fois aux marches matinales des femmes. Elle est la seule à profiter une après-midi entière de la piscine. Toutefois, elle s’en voudrait d’être venue si près de sa nièce Victoria sans la voir. Elle craint cependant d’imposer à Victoria un séjour avec un groupe de quinquagénaires mordant la vie à pleines dents, mais qui ne l’intéresse nullement. Les propres enfants de ces quinquagénaires ne voulurent d’ailleurs pas les accompagner. Elle ne voudrait pas non plus imposer au groupe une jeune à distraire.
Néanmoins, Victoria accepte gentiment de venir retrouver sa tante pendant quelques jours. Elle a 21 ans et tout le monde est content de la jeunesse qu’elle apporte. Elle est heureuse d’apprendre de Ronald quelques techniques de photographie. Victoria est toujours souriante et c’est agréable pour tous.
Un des buts de ce voyage était la dégustation de vins avec visite des vignobles. C’est extraordinaire de découvrir que ces visites basées autour d’une même activité sont toutefois chacune différentes et empreintes d’un charme particulier.
La première visite se fait à Arista Winery, dans le comté de Sonoma. Sofia, organisatrice sans failles, a programmé cette visite depuis le mois de mai tandis que la moitié de notre groupe faisait ensemble un voyage à Chicago pour soutenir la jeune Cecile Mc Lorin Salvant qui chantait là-bas lors d’un concert de Wynton Marsalis. À l’occasion de l’un de nos diners pris dans un restaurant français de la ville, pour accompagner notre repas, Réginald avait commandé un Mendocino Ridge /Anderson Valley Pinot Noir de Arista que tout le monde avait dégusté avec plaisir. Reginald, en fin connaisseur, nous avait fait apprécier son bouquet aux arômes d’épices, comme la cannelle et la muscade s’unissant harmonieusement avec la cerise et la framboise ainsi que sa saveur de mûres et grains de café gracieusement intégré à un léger tanin de chêne. Il était donc devenu obligatoire de visiter tous ensemble les producteurs de ce vin que nous avions découvert à Chicago.
Arista est l’un des plus petits établissements vinicoles de la région, ne produisant que 4000 caisses par an. Leur salle de dégustation est accueillante, garnie de ravissants bouquets de fleurs : grandes roses blanches, petites roses jaunes, grappes de fleurettes blanches délicates, feuillages verts variés. Elle se trouve au sein d’un beau jardin d’eau japonais avec vues sur montagnes et vignobles. Agnès parle de Furcy et de son rêve d’y avoir un merveilleux jardin qui pourrait bien ressembler à celui-là, qu’elle photographie pour s’en inspirer un jour, quand elle sera à la retraite. Ronald suggère à son tour l’idée de créer à Furcy une salle de dégustation de rhums et produits haïtiens. Ces voyageurs de la diaspora haïtienne ne peuvent vraiment pas se détacher de leur pays.
La visite du château Montelena à Calistoga nous fut, quant à elle, recommandée par Luc Arthur qui avait aimé l’histoire du « jugement de Paris ». Le « Napa Valley Chardonnay » de ce château gagna en 1976 un concours de dégustation organisé par des experts aux yeux bandés, à Paris. Ce vin constitue jusqu’à ce jour le « héros » de ce château de pierres sculptées à flanc de colline et donnant sur un jardin chinois. Il offre l’un des cadres les plus paisibles de la vallée de Napa.
Le fameux restaurateur Georges de Sunset à Miami nous a organisé une visite à Healdsburg en Californie, au Ferrari-Carano, où il s’approvisionne en vins. Il souhaite en effet faire bénéficier à son ami médecin et client fidèle, Reginald, ainsi qu’à ses amis d’un accueil V.I.P. Nous sommes tous émerveillés par la magnificence des jardins de cet établissement au milieu desquels est plantée une belle villa toscane servant à recevoir les visiteurs et abritant un magasin souvenir. Dans le jardin aux multiples arbres identifiés chacun par une étiquette, nous apercevons un chêne-liège portugais. Il y a tant à apprendre de cet arbre qui nous fournit les bouchons pour le vin depuis le dix-huitième siècle. Le chêne-liège peut vivre 150 à 200 ans et son écorce épaisse, isolante et crevassée peut atteindre 25 cm d’épaisseur. Une forêt de chênes-lièges s’appelle une subéraie. Quatre pays (le Portugal, l’Espagne, l’Algérie et le Maroc) représentent 91 % de la subéraie mondiale. Le prélèvement de l’écorce s’effectue, la première fois lorsque l’arbre atteint l’âge de 25 ans. On le découpe à nouveau tous les neuf à dix ans, le temps pour l’arbre de reconstituer une nouvelle assise. Les superbes jardins de ce domaine sont tenus par Mme Rhonda Carano. Un tour du vignoble et de la cave nous est offert, tandis que la dégustation a lieu dans une cave où des menus imprimés « Groupe des amis de Georges » nous sont distribués. Les premiers vins blancs de Ferrari-Carano ont été mis sur le marché en 1986 et leurs premiers vins rouges en 1989. C’est là que l’on nous apprend que c’est le Président Reagan qui a introduit les vins de Californie à la maison blanche et que Hilary Clinton est une grande fan de leur vin rouge « Siena ». La visite de Ferrari-Carano est particulièrement instructive. Combien, parmi nous, savaient que tous les raisins produisent du jus blanc ? Pour obtenir du vin rouge, il faut laisser les pelures dans le jus pendant sept à neuf jours. En Europe, les raisins sont récoltés à une date précise. En Californie, on vérifie le niveau de sucre dans le raisin avant de le cueillir, ce qui permet un meilleur contrôle sur la qualité et la production. Et puisqu’à Ferrari-Carano, il fait moins chaud la nuit qu’en journée, la récolte est faite la nuit avec de grands projecteurs. La fermentation du jus de raisin commence toujours dans des fûts d’acier inoxydable. C’est quand la fermentation est réalisée que l’on transfère le jus dans des barils. Les barils viennent tous de France en raison de leur saveur. Un baril coûte en moyenne 1200 $ et peut être utilisé pendant dix ans.
Ronald et Maria ont fait un voyage à Barcelone cette année. Là-bas, dans un restaurant, ils ont dégusté un merveilleux vin de Pride Mountain Vineyards, leur donnant l’envie de visiter ce vignoble. Nous sommes chanceux d’avoir un chauffeur expérimenté comme Alain pour conduire notre van dans les rues sinueuses et inclinées menant à Pride Mountain Vineyard. Mais quelle récompense une fois arrivés sur les lieux ! La vue sur les montagnes parsemées de vignes est superbe !
L’endroit est sobre : construction en bois sur un site propre et bien entretenu qui a beaucoup de charme. Sans être tape-à-l’œil comme le Ferrari-Carano, son décor simple intégré à la nature environnante est envoûtant. L’accueil est chaleureux. Leur façon de présenter leur produit est intéressante :
-Leur Viognier, disent-ils, est un vin bipartisan. C’est lui qui fut servi ces six dernières années au dîner réveillon de la Saint-Sylvestre à la maison blanche.
La ligne divisant les deux comtés (Sonoma et Napa) traverse leur propriété. Les taxations des deux comtés sont différentes. Ils ont donc des vins produits à Sonoma et des vins produits à Napa. Eux aussi n’utilisent que des barils français. Ils les gardent en service six ans et les donnent ensuite aux scouts qui les revendent transformés en baquets pour les plantes. La visite de leur cave est captivante. Les barils alignés dans de grands couloirs qui se croisent, avec des bougies allumées à égale distance sont un régal pour les yeux. Une salle à manger en matériaux bruts, placée au milieu de ce beau labyrinthe, apparaît de façon inattendue et s’avère invitante.
Robert Mondavi… Il fallait à tout prix y aller : certainement le plus connu de tous les vignobles que nous avons visités. Reginald avait une mission à y remplir : acheter, pour son frère Ralph, une casquette à la visière en liège dans leur magasin souvenir, seul endroit où l’on peut trouver pareil article. Ralph a exprimé son enthousiasme vis-à-vis de ce produit qu’il a pu voir et Reginald est déterminé à lui en offrir une. Nous n’avions pas pris rendez-vous pour visiter l’endroit ou pour y déguster leurs vins. Nous y arrivons tardivement, mais leur magasin fort intéressant est encore ouvert. Nous pouvons donc acheter la casquette pour Ralph et nous promener dans cette belle propriété que nous avons l’impression de connaitre, ayant si souvent vu sur leurs bouteilles de vin la photo de cette immense arcade donnant sur le vignoble. Longeant une galerie couverte, nous pouvons admirer quelques statues du sculpteur Italien Américain Beniamino Bufano (1890 – 1970).
Notre groupe a profité de la région au maximum.
Georges de Sunset nous avait suggéré un repas au Bistro Jeanty à Yountville pendant notre séjour en Californie. Excellente recommandation ! Charmant restaurant avec une carte typiquement française. Le chef, Philippe Jeanty, est arrivé de France en 1977 avec un groupe de cuisiniers français pour y ouvrir le « Chandon Restaurant », premier restaurant de qualité dans la région du vin en Californie. Après vingt ans de succès continu au Chandon Restaurant, en avril 1998, Philippe Jeanty mit en place son propre restaurant : le Bistro Jeanty, vite reconnu comme un bon restaurant français aux États-Unis dans lequel des gens du monde entier défilent. Philippe Jeanty vient nous saluer à la fin du repas. Alors que nous sommes tous contents de notre repas et de ce moment passé chez lui, nous l’interrogeons sur l’authenticité de la sole meunière et demeurons sceptiques face à ses explications : la sole des États-Unis est plus charnue que celle que l’on trouve en France…. Bizarre que nous nous soyons comportés ainsi… Pourquoi avoir posé une question qui peut froisser alors qu’entre nous, nous n’exprimions que chaleureux compliments ? Est-ce un comportement typique de client ? Ce serait intéressant de savoir ce que les psychologues en pensent…
Promenade ensuite dans les rues de Yountville, petite ville agréable avec une jolie place publique où jouent des musiciens, le jour de notre visite. Des familles se sont installées sur des couvertures posées sur la pelouse, sous des parasols, afin de jouir de cette ambiance de fête.
Nous visitons aussi la ville de Santa Helena où tout est joli. Sur la rue principale, Main Street, chaque magasin semble être un petit musée… Le Saint-Helena Olive Oil Co. au 1351 Main Street est trop joli, puisque l’on a plus envie d’admirer ses étalages que d’acheter un article qui risquerait de dégarnir le décor… Tout près, le Woodhouse Chocolate, au 1367 de la même rue, s’avère paradisiaque pour ceux qui aiment le chocolat : beaux à voir et délicieux, les chocolats vendus à la pièce sont artistiquement arrangés dans de jolies vitrines réfrigérées. Un peu plus loin, c’est un plaisir de manger dans le cadre enchanteur du French Blue, restaurant à la nourriture simple, au décor lumineux et accueillant : tout est blanc avec au fond une cuisine ouverte que le client peut observer. On a l’impression d’être dans un grand patio avec l’avantage d’une température contrôlée par la climatisation. Sel et poivre sont servis dans de jolis moulins en acier inoxydable au mécanisme spécial qui intrigue tout le monde. En appuyant sur le haut de ces moulins, un mouvement sec se déclenche et l’on sent un marteau caché frapper et broyer le sel ou le poivre placé à l’intérieur. Freddie, le « désordre », pousse la curiosité jusqu’à en vider un pour le démonter et voir comment il fonctionne, ce qui s’est révélé bien économique pour ses amis qui voulaient en acheter. Freddie a pu en effet leur démontrer ainsi que l’appareillage de ces moulins n’était point solide. Le French Blue a perdu une vente de ses petits souvenirs.
En se dirigeant vers la voiture, Victoria et Agnès rentrent rapidement dans l’église de Saint-Helena pour y faire une prière d’Action de grâce. C’est merveilleux qu’un tel voyage ait pu avoir lieu dans la bonne humeur et la bonne entente parfaite, sans aucun incident. Il faut remercier Dieu.
Ce ne serait pas normal qu’un voyage de citadins dans la vallée de Napa, visitant les vignobles de l’endroit et la campagne, se termine sans jamais voir la ville de Napa. Il s’agit d’une jolie ville qui s’étend le long du fleuve Napa, où tout est propre et semble neuf, où tout paraît de bon goût. Dans la ville, la signalisation est réalisée de manière artistique : sur un poteau sont fixés de minis enseignes publicitaires avec des flèches pour indiquer leur direction. Ce système pratique et esthétique intéresse particulièrement Agnès qui le photographie pour le partager avec sa fille Sylvie qui travaille en Haïti dans le domaine de l’affichage. Intéressant aussi la leçon de Cha-cha-cha placée sur le trottoir et accessible à tous.
Les paysages au bord des routes sont superbes. Les beaux rosiers en fleurs placés devant les rangées de vigne offrent vraiment un merveilleux effet. Il parait qu’ils ne sont pas là pour l’esthétique. Les rosiers attrapent les mêmes maladies que les vignes, mais plus vite qu’elles. Ils sont donc là pour tirer la sonnette d’alarme. Quand ils sont malades, il faut vite s’occuper des vignes plantées derrière eux avant qu’elles ne suivent.
Charmant séjour, mais toutes les bonnes choses ont une fin. Il faut rentrer à la maison. Le côté économe de Sofia fait qu’elle ne voudrait pas laisser des restes de provisions dans la maison. Ils seront sûrement jetés à la poubelle et Sofia n’aime pas le gaspillage. Elle est heureuse d’organiser pour Victoria, qui vit seule avec son papa, de grands sacs de provisions à emporter. Même un restant de sauce de viande est mis dans un zip lock, congelé et pourra servir sur des pâtes, explique-t-on à Victoria qui semble aussi heureuse qu’amusée de recevoir ces paquets. En fait, tout le groupe est soulagé que rien ne se gaspille : les restes de riz, sucre, café, légumes, jambon, fromage, céréales et autres seront tous utilisés.
Après cinq jours de bonne entente, de détente, de visites, de paysages superbes, le 2 août 2012, dix amis embarquent pour le vol AA 442 de San Francisco, Californie à destination de Miami, Floride. C’est l’un des plus de 1000 avions qui décolleront ce jour de l’aéroport de San Francisco emportant en moyenne 107 545 passagers par jour (statistiques de 2010). Rien n’est plus ordinaire que le décollage de ce vol qui ramène chez eux dix amis qui ont fait provision de bons souvenirs et de bons moments, mais pour qui ce vol est unique. À travers les hublots, les paysages devenus familiers ne nous paraissent plus secs et arides. Pour ces amis qui ont passé de si bons moments ensemble, ils sont à présent brillants, ensoleillés, chaleureux et inoubliables.
(1) Ou pa we madame lan gin yon crush on you ? Phrase créole. Traduction française : Ne vois-tu pas que cette dame a le béguin pour toi ?
NB : Les quinquagénaires de ce voyage fait en 2012 sont maintenant des sexagénaires heureux de connaître le bonheur de vivre une amitié qui n’a cessé de s’embellir. Merci et compliments à notre ami Ronald Joseph pour ses magnifiques photos.
Merci Agnes de partager ces beaux moments qui mettent avant tout en valeur la belle amitie qui vous unie , toi et les compagnons de voyage.
Tu maries ces souvenirs avec ta passion pour l’ecriture et vraiment c’est un plaisir de te lire.
I look forward reading more about your journey.
Anick Vorbe
Magnifique ode à l’amitié.
Oublions la Bourgogne , le Bordelais ou la Toscane.
Merci Agnès de nous faire découvrir la richesse du vignoble californien.
Agnes, j’ai beaucoup aimé ton récit et j’ai même appris certaines choses. Quelle bonne idée de documenter ses voyages! J’ai souvent fait confiance à ma mémoire mais quoi de mieux que de documenter! J’adore!
C’est vraiment intéressant de pouvoir revivre ses voyages à partir de notes prises. Je suis contente que tu aies pris plaisir à lire ce récit. Et en plus, tu connais les acteurs !
Agnes, ton récit , écrit comme d habitude dans un style fluide et facile à lire , m à permis de faire ce voyage avec toi et tes compagnes et compagnons comme si je faisais partie de votre groupe. Je suis contente que tu ais partage avec moi ces bons moments qui m ont fait faire connaissance avec des villes ,des restaurants et des lieux dont je n avais jusqu à présent entendu parlé qu au cinéma ou dans les livres 🤗
Ce sont des souvenirs inoubliables et je salue toute l équipe de bons amis
Quel plaisir de savoir que mon récit t’ait permis de visiter des villes que tu n’as pas encore eu la chance de connaître physiquement. Merci de l’avoir lu!
Merci du partage Agnès! Je me suis retrouvée dans ce voyage entre Bons Amis en Californie comme si j’y étais!!!
Cela me fait vraiment plaisir que tu aies pris le temps de « voyager » avec nous. Merci !
J’adore.
Récit truffé d’anecdotes amusantes et qui est une ode à l’amitié et à la convivialité. Je suis fascinée par ta mémoire et ton souci du détail Agnès. On se sent presque du voyage!
Les bons moments passés entre amis sont inoubliables! Merci pour ton commentaire, Kareen.
Quel magnifique séjour! Et comme d’habitude d’une écriture que l’on croirait y être aussi!
Ah que c’est bon et agréable des amis!!
Merci Tessa! Je souhaite pouvoir un jour parler d’un séjour à ton Taylor House Inn en Caroline du Nord. Je suis sure que c’est un endroit charmant avec une hôtesse hors pair, charmante et agréable !