Mère Pascalcréait un impact dès le premier contact. Son ton assuré, témoignant de ses convictions, expliquait sans doute en partie cette forte impression qu’elle laissait instantanément.
À la fin des années 60, fraîchement revenue de La Sorbonne à Paris, elle devint professeure de latin à Sainte Rose de Lima. Un jour, avec la confiance qui la caractérisait, elle fit référence au « De Bello Gallico » de Jules César dans l’une de ses classes. Ses élèves n’avaient pas idée de ce qu’était cette œuvre et le pourcentage de curieuses parmi elles à avoir cherché à s’informer s’avérait faible. Cependant, grâce à ce cours, un consensus s’effectua autour d’un nom choisi pour montrer l’admiration qui lui était vouée : « Mère Pascal de Bello ». Cette appellation permettait aussi de la différencier de Mère Pascale de la Présentation Georges, qui, comme elle, était professeure de latin à Sainte Rose. Également très aimée, Mère Pascale Georges est partie pour l’au-delà en octobre 2018.
Par ailleurs, Mère Pascal de Bello était aussi professeure de français, ce qui lui offrait l’opportunité de transmettre des valeurs à travers les œuvres qu’elle faisait découvrir à ses élèves. Par exemple, elle donna la belle leçon qui consiste à apprendre à regarder avec le cœur, pour pratiquer la tolérance, l’amour et le respect en faisant entrer ses élèves dans les profondeurs du « Petit Prince » de Saint-Exupéry. Elle fit également le point avec « Les Misérables » de Victor Hugo : elle précisa notamment qu’elle n’avait pas de respect pour celles qui trichaient. Elle n’éprouvait pas plus de considération pour elles que pour Jean Valjean au moment où il se laissa aller à ses bas instincts et vola l’argenterie de l’évêque qui l’avait hébergé….
Dans ses classes de littérature haïtienne, Mère Pascal sut également transmettre l’amour de son pays, Haïti. C’est avec fougue et enthousiasme qu’elle présentait avec admiration les talents haïtiens : Frédéric Marcelin, Fernand Hibbert, Jean Price Mars, Etzer Vilaire, Anténor Firmin, Léon Laleau, Jacques Roumain et tant d’autres.
Lors d’un cours, la forte Mère Pascal nous révéla son cœur sensible en affirmant sans pudeur qu’elle pleurait un peu plus à chaque relecture du roman « Gouverneurs de la Rosée » de Jacques Roumain.
Faisant preuve d’un inlassable dévouement, elle mit ce cœur sensible au service des enfants de Saint-Antoine avec le « Patronage ». Elle partageait avec passion la Parole de Dieu aux semeuses qu’elle formait. La Parole de Dieu devait être vivante pour ces enfants défavorisés. C’était une force et un refuge, martelait-elle.
Elle était religieuse et respectait les commandements de Dieu. Elle le prouva au chevet de ses parents qu’elle soigna et assista quand ils furent frappés par la maladie. « Tu honoreras ton père et ta mère ». De façon générale, elle montrait comment faire. C’était une inspiration à suivre.
« On apprend chaque jour, on apprend toujours, voilà pourquoi la vieille ne voulait pas mourir » aimait dire Sœur Pascal qui fut ainsi une enseignante hors pair. Elle apprit beaucoup aux autres et laisse une empreinte indélébile sur tant de personnes touchées par elle. Bravo Mère Pascal à présent repartie vers le Père après une mission bien accomplie. Et maintenant, que ton âme repose en Paix. Nous ne t’oublierons pas.
Ma mère est éteinte et mon père vit son purgatoire. Cette pensée refusait de laisser tranquille la tête d’Ellenita. Après un semblant d’accalmie, elle rebondissait avec force. Parfois, sans demander de permission, elle s’échappait de son contenant, lui mouillant les yeux, ou faisant couler son nez. Or, l’évacuation des larmes, du rhume ou des deux à la fois n’entrainait malheureusement pas l’évacuation de la douleur.
Ellenita avait été une fan de sa mère Sonia, femme active, débrouillarde, opiniâtre qui avait élevé sa sœur Myriam et elle avec amour et dévouement, comme cela se doit, pourrait-on penser. Mais dans son cas, ce n’était pas évident. Son père, Francis, avait donné du fil à retordre à sa chère épouse. Homme exigeant au bercail, il ne se privait pas de mots gentils et de gestes affables envers le sexe opposé quand il était en dehors de chez lui. Cet homme élégant, bien élevé, distingué et bien argenté, n’avait pas de mal à attraper les femmes avec son hameçon. Il avait essayé de garder ses escapades secrètes, mais les mordues, changeant souvent de niveau de vie pendant la relation, étaient heureuses de jouir de leur aller mieux et ne se privaient pas de le laisser voir. À quoi bon avoir un beau bijou si on ne peut le porter ? Peut-on blâmer celle qui préfère conduire une voiture neuve plutôt qu’une guimbarde peu fiable ? Sonia avait toujours fait semblant de ne rien comprendre. Elle avait choisi de mener sa vie digne et stoïque au service de sa famille. Elle ne se plaignait jamais. Elle trouvait refuge dans son insatiable quête de s’informer et de s’instruire.
Elle avait été de compagnie agréable, partageant sans ostentation ses connaissances ô combien intéressantes. Elle émettait et défendait bec et ongles les opinions qu’elle avait mis du temps à se faire. Elle s’assurait d’une vie paisible avec Francis. Elle s’adressait toujours à lui de façon correcte, cependant, elle lui réservait ses regards tristes et perçants, plein de reproches silencieux, mais qui la trahissaient tout de même, car ils n’échappaient pas à ceux qui l’aimaient.
La maladie d’Alzheimer avait frappé Sonia. Tout en elle était dorénavant diffus. On entendait très rarement la voix de la nouvelle Sonia. Autrefois si volubile, elle en était maintenant réduite à prononcer des monosyllabes sur un ton monocorde : un « oui » timide, un « non » sans conviction. C’était à fendre le cœur. On ne voyait plus dans ses yeux ni amour, ni intérêt pour de quelconques sujets, ni passion pour des idées, ni regard agressif vis-à-vis de son mari. Néanmoins, cette allure sereine que la maladie lui donnait la rendait plus belle que jamais. Faible consolation pour ses proches qui essayaient de se convaincre qu’ils étaient chanceux de la voir calme plutôt qu’agressive, tare que cette vilaine maladie infligesouvent à ses « hôtes ».
Ellenita visitait régulièrement sa mère. Myriam ne le faisait pas. Elle n’avait pas le courage de voir un être aimé dans cet état.
Ellenita et Francis partageaient leurs états d’âme : – C’est pénible de vivre avec ta mère dans cet état. Elle ne me sert même plus ses regards agressifs.
– Voilà les rôles inversés, papa. Maman t’a accepté avec tes travers pendant de nombreuses années. C’est à ton tour maintenant de l’accepter. Je ne pensais pas me sentir un jour peinée de la disparition de la tension que je sentais entre vous. Peut-être que des lueurs de lucidité lui permettent de remarquer comme tu la traites bien maintenant, de là sa sérénité.
– Oui, cela se voit et se sent qu’elle est heureuse maintenant. C’est moi le malheureux.
Tout ceci se disait en présence de Sonia. Cela n’avait pas d’importance. Elle entendait. Mais elle ne comprenait pas. Elle ne participait plus aux conversations. Mais, elle riait ! Elle riait trop souvent. Elle riait sans raison. Elle riait en guise de réponse.
– Maman, tu es toute belle ce matin (éclat de rire).
– Maman, j’étais en voyage la semaine dernière et c’est pour cela que tu ne m’as pas vue. (Éclat de rire).
– Sonia, je te laisse seule un moment avec ta fille (éclat de rire).
– Maman, ce bleu te va à merveille (éclat de rire)
– Sonia, dis donc quelque chose (éclat de rire)
– Maman, tu as faim ? (Éclat de rire)
Ce rire n’amusait pas. Il déclenchait plutôt frustrations et questionnements. Si seulement ses réactions pouvaient être plus logiques. Pour pallier l’inconfort qu’apportait ce rire, les amis essayaient de rassurer sa famille : « elle est heureuse » « C’est pour vous que c’est dur » disaient-ils. Vraiment ? Heureuse ? Peut-on être heureux sans en avoir conscience ?
La réalité du jour montrait que Sonia n’avait plus aucun intérêt pour ses enfants, pour son mari, pour l’actualité, pour les travaux de maison, pour les livres, pour les travaux manuels, pour les découvertes scientifiques…. Rien ne la faisait plus vibrer, pourtant elle riait bêtement à tout bout de champ. Sonia ne partageait plus son émerveillement devant le pouvoir des hommes à faire rouler les voitures, voler les avions, faire vivre des humains dans le cosmos, observer la terre grâce à des satellites, faire progresser l’intelligence artificielle…
Ellenita l’imaginait parfois s’excitant, en exprimant son désir de voir les scientifiques mener des avancées sur la compréhension du cerveau humain, le réel (pas l’artificiel), celui lié au système neurologique. Nous vivons une époque où l’homme devrait être capable d’empêcher les cerveaux de tomber dans la démence. L’espérance de vie s’accroit. La science a pour devoir de trouver le moyen de prolonger aussi la bonne santé des cerveaux.
Quand vint l’anniversaire de sa maman, Ellenita amena de la vie dans la maison de ses parents. Elle emmena les deux enfants de Myriam avec ses deux enfants pour aller célébrer cette fête. Ils amenèrent des petits pâtés chauds, un gâteau et du Cola Couronne. Elle ne comptait pas sur Myriam ; cette sortie était trop dure pour elle. En revanche, ses enfants, sans doute plus coriaces, se faisaient un plaisir de partir avec tante Ellenita pour aller visiter leurs grands-parents.
– Bonne fête maman ! avait-elle dit en embrassant chaleureusement sa mère à son arrivée.
Un rire. C’est tout.
– Embrassez votre grand-mère, les enfants. Souhaitez-lui un joyeux anniversaire ! Voyez comme elle est belle.
L’ordre fut exécuté, mais ne donna hélas pas naissance à un échange affectueux. Il provoqua… un rire. On ne s’attendait pas à plus…
Oh bonheur pourtant ! Une phrase inattendue :
– Aujourd’hui c’est ma fête.
Larmes d’émotion dans les yeux d’Ellenita. Sa maman va mieux aujourd’hui. Elle a prononcé une phrase ! « Aujourd’hui c’est ma fête ». Une phrase enfantine de quatre mots sortie des lèvres d’une femme de soixante ans fournit une belle occasion de se réjouir : « Aujourd’hui c’est ma fête ». Elle appelle Myriam au téléphone :
– Tu aurais dû être là. Si tu vois comment maman est bien aujourd’hui !
Francis accueille et manifeste sa joie de voir ses petits-enfants. Il remercie Ellenita pour ses gâteries. Il commente l’appétit de Sonia pour ces gourmandises et s’en régale aussi, tout en constatant que tout ceci fera monter son taux de sucre. De ce fait, il augmentera ce soir sa dose de Metformin ainsi que celle de Sonia. Francis est vraiment devenu un homme admirable.
Les petits-enfants se disputent pour gagner la place de souffleur de bougies après avoir chanté le traditionnel « Happy birthday to you », suivi de « Bon anniversaire, nos vœux les plus sincères ». Et Sonia rit. Et Sonia parle encore une fois :
– Aujourd’hui je mange du gâteau.
Ravissement de toute la famille.
– Grand-mère est gourmande, disent les petits enfants surpris d’entendre la voix de leur aïeule qui communique si peu en général.
Francis se montre gentil :
– Merci pour ce petit moment de bonheur apporté à Sonia, Ellenita. Tu es vraiment la fille idéale. Vois comme elle est contente. Aujourd’hui, des phrases se sont ajoutées à son rire. Tu vois aussi qu’elle a gardé son appétit. Tu constates comme moi son plaisir à manger pâtés et gâteau, à boire du soda !
– Peut-être n’est-ce pas le seul appétit qu’elle ait gardé, ajoute-t-il avec un clin d’œil malicieux à Sonia.
Coup d’œil furtif aux enfants maintenant perdus dans leurs tablettes. Francis se sent libre de continuer son discours.
– Tu connais les fous rires que provoquent toujours la prière que je fais chaque année à haute voix pour mon anniversaire : « Seigneur, je te le demande avec ferveur, que rien en moi ne meurt avant que je ne meure ».
Ellenita s’esclaffe, ce qui fait rire Sonia encore une fois. Eh oui, Ellenita la connait bien cette prière répétée chaque année par son père. Elle a le pouvoir de toujours amuser la galerie qui la connait déjà et en quelque sorte l’attend.
Francis prend maintenant un ton sérieux :
– Regarde ta maman, Ellenita. Pour rester attaché à elle, il faut aujourd’hui s’accrocher aux souvenirs que l’on a d’elle. Son esprit n’est plus dans ce corps qui est resté bien beau. Puis-je l’aider en satisfaisant les autres appétits qu’elle a encore ? Les friandises du jour lui ont délié la langue… Un petit plaisir physique la ravivera peut-être. Vive la science qui permet à ma prière annuelle de pouvoir être exaucée ! Une petite pilule bleue peut faire revivre ce qui s’éteint. Mon médecin m’a proposé une prescription à ma dernière visite chez lui. J’hésitais. Mais tout compte fait, cela ne peut faire que du bien… Ceci me permettra de vivre ma vie d’homme et ta maman, qui nous a prouvé aujourd’hui qu’elle avait encore quelques sens aiguisés, s’en réjouira.
Ellenita se sentait troublée, éprouvant un tourbillon enchevêtré de sentiments de toutes sortes : gêne, surprise, éblouissement, fâcherie, ivresse…
La prière annuelle de son père était donc celle que faisaient aussi les scientifiques ?
Tout cela était en dépit du bon sens ! La science ne pouvait toujours rien pour aider Sonia frappée de la maladie d’Alzheimer, mais elle pouvait aider son père à redevenir un macho… Les chercheurs avaient ainsi consacré assez de temps aux recherches pour permettre aux hommes de vivre leur vie d’homme ! De nos jours, la science était capable de façonner les corps humains : peaux bien étirées à tout âge, greffe de cheveux pour éliminer les calvities, seins de femmes fermes et bien gonflés, yeux agrandis pour une allure plus jeune, pilule permettant aux hommes de ne rien laisser mourir avant qu’ils ne meurent… Mais, la science n’avait pas donné la priorité à l’existence d’un cerveau fonctionnel sous toutes ces parures ? C’était injuste, fat et vaniteux que la science laisse la personne mourir avant que son corps ne meure.
C’était aujourd’hui la dernière fois qu’Ellenita riait de cette prière prononcée par son père. Elle voulait des gens à l’esprit vivant, peu importait que leur corps faiblisse. À présent, Ellenita, furieuse, est en proie à une pulsion incontrôlable : elle va devenir une influenceuse ! « Rattrapez-vous, gente scientifique ! Rattrapez-vous ! Que vos avancées scientifiques aillent dans le bon sens ! » Voilà ce que sera sa devise. Elle s’assurera de faire passer son message avec les milliers de suiveurs qu’elle se fera sur les réseaux sociaux.
Tout est relatif. Pour le commun des mortels, rien de plus ordinaire que le décollage le 28 juillet 2012 à 8 h 25 du Vol AA 431 de Miami, Floride à destination de San Francisco, Californie. C’est l’un des 1000 avions qui décolleront ce jour de l’aéroport de Miami emportant en moyenne 97 800 passagers par jour (statistiques de 2010). Mais pour les dix amis décidés à passer ensemble cinq jours inoubliables en Californie, ce vol est unique !
Ce voyage est rendu possible grâce à Sofia qui a toujours de la suite dans les idées. Elle a transformé en réalité une idée lancée en l’air pendant une réception à laquelle ses amis se retrouvaient. Après avoir consulté tous les intéressés, elle a choisi dates, vignobles à visiter, activités, hôtels et maisons où séjourner. Planification parfaite accomplie non sans une part de stress, car la propriétaire d’une maison de Santa Rosa louée pour cinq nuits, payées trois mois d’avance, annonce finalement l’indisponibilité de ce logement. En effet, pour la première fois depuis des années qu’elle la loue sur du court terme, la villa est accordée par erreur à deux groupes différents pour la même période. L’argent sera retourné à notre groupe qui doit chercher un autre hébergement. Cependant, pas moyen de trouver quelque chose pour les mêmes dates. Or, les voyageurs enthousiastes ont déjà tous acheté leurs billets d’avion. La moitié du groupe n’étant jamais allée à San Francisco, la solution trouvée est d’y passer une nuit.
San Francisco nous accueille donc dans son bel aéroport moderne, d’une propreté scintillante ! « Visibilité exceptionnelle sur une distance de dix miles », nous a annoncé le pilote de l’avion au moment de l’atterrissage. Les paysages secs et arides que nous voyons des hublots ne sont pas ceux auxquels nous nous attendions. Ils ne nous laissent aucunement présumer du froid qu’il fait dehors. Le vent et les cinquante degrés Fahrenheit qui nous frappent au point d’attente de la navette, qui nous amènera au terminal de location du van de douze places que nous avons loué, nous surprennent fortement ! Ce temps glacial nous obligera à porter des vestes chaudes pendant nos vingt-quatre heures passées dans cette ville.
Dix haïtiens, – y compris Maria, née en Colombie, mais Haïtienne par affection – qui voyagent pour cinq jours, cela fait beaucoup de bagages. Quand il faut embarquer dans le minibus qui vient nous chercher, nous nourrissons quelques inquiétudes pour Sofia et Maria qui s’installent en dernière rangée, noyées et totalement coincées au milieu des bagages. Pourvu qu’elles ne soient pas écrasées par les valises !!!
Sofia, toujours à l’écoute des autres, se laisse recommander un hôtel par Luc Arthur : le Clift Hôtel sur Geary Street. Le décor des lieux est fascinant : très « in » ! Un hommage à la chaise dans un cadre que les quinquagénaires que nous sommes jugeons très sombre. Chaise géante, chaises modernes, chaises anciennes, chaises en métal glacées quand on s’y assied, chaises en bois, chaises rembourrées, chaises confortables, chaises inutilisables, placées partout dans les espaces communs dans lesquels un service d’emprunt de torches électriques pour permettre aux clients de mieux se diriger ne serait pas inutile. Clift hôtel se situe à trois blocs d’Union Square, cette superbe place sous laquelle le premier parking souterrain au monde fut construit. Parmi les magasins qui bordent la place, il y a un magnifique Macy’s où seule Myrna pénètre afin d’y acheter un cadeau pour Sofia dont c’est l’anniversaire le lendemain de notre arrivée. Michou, la cousine d’Alain qui vit à Los Angeles, a fait le voyage à San Francisco avec sa fille Véronique pour nous rencontrer. Toutes deux séjournent au Ritz Carlton où nous allons prendre un verre avec elles, au lobby de leur hôtel, dès le jour de notre arrivée.
Un hommage à la chaise. Photo : Ronald Joseph Photo : Ronald Joseph
Decor sombre du Clift HotelNous allons prendre un verre avec Michou et sa fille. Photo : Ronald JosephNous rencontrons Michou et sa fille Véronique au Ritz Carlton de Sam Francisco. Photo : Ronald Joseph
Nous décidons ensuite d’aller nous promener au Chinatown de San Francisco où Freddie s’achète des racines de ginseng qu’il mâche pendant tout le séjour. C’est source de taquineries des autres hommes du groupe, curieux d’apprendre de Freddie lui-même les vertus de ces racines. Celui-ci préfère toutefois entretenir le mystère … Agnès aussi se montre mystérieuse. À Chinatown, elle rentre dans un magasin de thé chinois, en sort très vite et sans paquet. Les amis pensent qu’elle n’y a rien trouvé. Comme ce sont des amis soucieux de se faire plaisir entre eux, ils demandent à Agnès si elle veut chercher ailleurs ce qu’elle pensait se procurer dans ce magasin où elle est rentrée seule durant à peine une minute. …
Promenade à Chinatown de San Francisco. Photo : Ronald JosephFreddie s’achète des racines de ginseng. Photo : Ronald Joseph En promenade au Chinatown de San Francisco – Photo : Ronald Joseph.Freddie mâche des racines de ginseng pendant tout le séjour. Photo : Ronald Joseph
-Merci, ça va, répond-elle, j’ai acheté ce qu’il me fallait.
“J’ai acheté ce qu’il me fallait” dit Agnes. Photo : Ronald Joseph
L’imagination des voyageurs part au galop ! Ils spéculent tous autour de l’achat d’Agnès qui n’a pas révélé ce qu’elle cherchait, mais qui a si vite trouvé son objet secret. Peut-être du ginseng pour femmes, suggèrent quelques-uns, plutôt du ginseng pour Adrien qui craint les taquineries et préfère que sa femme lui en achète, répliquent d’autres. Les réponses à cette devinette fusent, toutes amusantes, distrayantes et elles provoquent de bons éclats de rire… C’est tellement mieux de laisser vagabonder les esprits plutôt que de révéler une vérité toute simple et, tout compte fait, ennuyeuse : de petites roses rouges desséchées achetées pour garnir de bonnes tasses de thé chaud, petit chic appris de son amie chinoise Lai Ching.
Il nous faut une bonne adresse pour fêter l’anniversaire de Sofia à San Francisco pendant que Michou est avec elle. Ronald nous recommande « The Slanted Door », restaurant de cuisine vietnamienne moderne, localisé dans le Ferry Building avec une belle vue sur le Bay Bridge. L’endroit est bondé de clients, preuve de sa grande renommée méritée. Repas délicieux avec comme dessert une barbe à papa surmontée d’une bougie nous permettant de chanter en chœur : « Bon anniversaire » à Sofia ! Pendant la soirée, notre serveur porte visiblement beaucoup d’intérêt à Freddie. Ceci n’échappe pas à l’œil taquin de Réginald qui, lui-même, méritera bien d’être taquiné le lendemain.
Une barbe à papa surmonter d’une bougie pour chanter “Bon anniversaire” à Sofia. Photo : Ronald Joseph.
Réginald s’est désigné copilote du van de douze places que nous avons loué. Par conscience professionnelle, peur du mal de voiture ou les deux à la fois, le fait est qu’il ne cédera en rien sa place durant tout le séjour. Pour le voyage, Freddie a amené avec lui un GPS Garmin auquel Myriam a affectueusement donné le prénom « Georgette », adopté finalement par tous. Cependant, il s’avère que notre copilote Réginald met du temps à s’adapter à cette technologie. À taquin, taquin et demi :
-Réginald, « Georgette » c’est la technologie mise aux mains d’un tiers-mondiste, nous plaisons-nous à lui dire.
Comme pour le confirmer, quand nous laissons San Francisco pour nous rendre à Santa Rosa, nous demandons au copilote placé dans le cockpit de rentrer l’adresse de la maison louée, donnée avec précision : 4900 Carriage Lane, Santa Rosa, CA 95403. Réginald s’applique à la tâche, avec des « attends, attends », prononcés sur un ton qui fait s’esclaffer les passagers du véhicule… Après presque trente ans passés aux États-Unis, Reginald n’a pas perdu les expressions et l’intonation haïtiennes. En attendant que le GPS soit programmé, Alain commence à rouler dans la ville, à la recherche de l’autoroute 101 devant nous amener à Santa Rosa. L’opérateur de « Georgette » a enfin mené à bout sa mission et installe l’appareil sur le pare-brise. Alain commence alors à suivre les instructions données par « Georgette ». Il s’étonne : il semble que son sens d’orientation ne soit pas aussi infaillible qu’il aime le dire. « Georgette » lui fait prendre une autre direction que celle à laquelle il pensait. Alain obéit néanmoins. Grande surprise ! Une demi-heure de route pour nous retrouver devant le Clift Hôtel, notre point de départ ! Ce serait difficile de trouver une situation déclenchant plus de rires que celle-là ! Qu’a donc programmé Reginald ???
Quelque temps plus tard, nous arrivons au Ranch Wiki Up de Santa Rosa, grande écurie transformée en résidence que nous avons louée. Freddie fait partie, comme tout le groupe — à l’exception de Maria — de la diaspora haïtienne installée en Floride. Il trouve pratique de donner des noms aux différentes zones de cette immense demeure. Les noms choisis témoignent d’une nostalgie de son pays que tout le groupe ressent et garde secrète, mais dévoile, chacun à sa manière. Freddie déclare donc que :
-Myrna et lui logent à « Bourdon », appartement sur deux niveaux, placé sur la façade rue, Carriage Lane.
-À un angle opposé à « Bourdon » se trouve la chambre principale avec salon intégré, toilette attenante, un salon extérieur, son placard walk-in et sa climatisation que Freddie dénomme « La Boule ».
-L’autre quartier abrite deux chambres, un petit salon avec des sofas-lits se partageant une toilette et se nomme ” Turgeau ».
-Le cottage sans toilette des Nadal qui doivent « traverser la rue » pour prendre un bain ou utiliser d’autres services est le « Bel Air ».
Au Ranch Wiki Up de Santa Rosa. Photo: Ronald Joseph.Au Ranch Wiki Up de Santa Rosa
C’est dans cet immense territoire avec sa belle cour intérieure flanquée d’un jet d’eau que séjournent dix amis quinquagénaires et une brave jeune femme, Victoria, pendant quatre jours. Les personnalités sont différentes et se complètent.
Dans la belle cour intérieure du Ranch Wiki Up. Photo : Ronald Joseph.Dans la belle cour intérieure du Ranch Wiki Up. Photo : Ronald Joseph.
Alain se caractérise par le dévouement. Il s’est ainsi offert comme chauffeur du groupe en donnant l’argument infaillible qu’il ne boit pas, que personne du groupe ne pourra donc le remplacer. L’activité principale projetée par ce groupe étant la dégustation de vins, Alain devient un élément clef du voyage. Le groupe développe donc dès le départ une dépendance totale au couple Nadal composé de Sofia, l’organisatrice et d’Alain, le chauffeur. En plus d’être un chauffeur sobre, Alain est aussi maître en BBQ. Lui seul contrôle cet important instrument sur lequel sont grillés maïs et viande pour la maisonnée. Sans oublier sa délicieuse recette d’oignons grillés.
Alain, le chauffeur…. qui ne boit pas! Photo : Ronald Joseph.
Sofia, quant à elle, représente l’amie au service des autres, effectuant les réservations d’hôtel, de restaurants, de villa, de dégustations de vin. Elle prépare aussi les menus, la liste pour le supermarché et l’exécute. Toujours pleine d’énergie, elle planifie tout et s’assure que tout se passe bien.
Sofia, l’amie au service des autres. Photo : Ronald Joseph.
Freddie, lui, se montre observateur. Il remarque dans la cour des petits insectes desséchés ressemblant à des extraterrestres. Il les ramasse délicatement et les place de manière insolite comme des décorations à l’intérieur de la maison. Freddie est également très cultivé. Quand Sofia a annoncé que nous visiterions, sur recommandation de Luc Arthur, le château Montelena, il savait qu’en 1976 un chardonnay de ce château avait gagné un concours très strict à Paris. Il avait lu leur histoire et avait vu le film « Bottle Shock » tourné autour de ce sujet. En promenade, il fait remarquer que les plantations de vignes dans les vallées de la Californie se réalisent en terrains plats alors que les plantations bordelaises qu’il avait eu la chance de voir sont plutôt plantées sur les coteaux. En outre, quand l’on se renseigne sur les activités possibles dans le parc du geyser « Old Faithful » qu’Agnès a vraiment envie de visiter, lui seul sait que les chèvres qui s’évanouissent sont l’une des attractions du parc. Réginald prend plaisir à l’appeler « désordre », surnom qu’utilise souvent sa mère en parlant de lui, nous informe-t-il. Serait-il plutôt étourdi ? Un soir, voulant aider, en transportant un plat contenant toute la viande cuite du BBQ vers la table, il laisse accidentellement tomber sur le gravier ce trésor avidement attendu par la foule affamée. Panique du groupe. Ronald sauve la situation.
Ronald a beaucoup de talents. C’est notamment un chef cuisinier !
-Rinçons la viande et repassons-la sur le gril quelques minutes, suggère une des femmes.
-Lavons-la et recuisons-la, elle était cuite saignante, nous la ferons à point, propose une autre.
Les idées jaillissent et le chef parle :
-Non, ne rincez pas. Repassez-la quelques minutes sur le grill. Le feu purifie tout. Ce sera vite fait et rien ne sera enlevé de la saveur.
Ronald est aussi un photographe hors-pair, captant avec sa lentille de caméra la beauté partout où elle se trouve : fleurs, paysages, expressions, scènes de la vie, rien n’échappe à son œil d’artiste. Ronald est encore musicien, et à Santa Rosa, nous sommes réveillés tous les matins au son du piano joué par lui.
Beauté captée par le photographe hors-pair : Ronald Joseph. Beauté captée par le photographe hors-pair : Ronald Joseph. Beauté. Photographe : Ronald Joseph.
Maria est une femme d’une délicatesse discrète. Comme un petit elfe, elle prépare le café le matin. À son réveil, elle ouvre sans bruit les portes de la maison et les referme discrètement les soirs. Dans l’immense demeure divisée en quartiers que nous avons louée, elle est logée à Turgeau, zone où des toilettes desservent cinq personnes. On ne sait jamais à quel moment elle les utilise. Sans aucun doute, elle surveille le moment où personne n’en a besoin pour y aller, utilisant parfois les autres toilettes mises à la disposition du couple Nadal. Dans la cuisine, elle est le complément discret et efficace de Ronald. Sa délicatesse est exceptionnelle. Elle a même pensé à voyager avec des bougies à mettre sur le gâteau de Sofia pour son anniversaire !
Maria est d’une délicatesse discrète. Photo : Ronald Joseph.
Myrna est humble. Elle dit ne pas savoir cuisiner. Elle observe chef Ronald pour qui elle fait le marmiton. La vaisselle propre, c’est son affaire ! Elle ne laisse personne la remplacer pour cette tâche ! Pourtant, nous savons tous combien Myrna prépare le meilleur kibbi cru et le plus délicieux des bœufs bourguignons. Myrna est également une remarquable femme d’affaires chez qui l’attachement à son pays se dénote par le fait que ses clients sont tous installés en Haïti.
Myrna organise les provisions. Photo : Ronald Joseph.
Reginald est le connaisseur en vins. Il déguste les vins avec plus de savoir que le reste du groupe qui semble souvent attendre son appréciation avant de se prononcer. Reginald est aussi un grand taquin qui tourne tout à la raillerie, notamment quand Sofia lui a fait manger, contrairement à ses habitudes, de la salade ou quand Adrien s’est acheté un pyjama pour le séjour. Reginald paraît plein d’énergie et infatigable.
Myriam est brave et admirable. Elle surmonte sa douleur physique pour faire plaisir à son mari et à ses amis qui ne feraient pas ce voyage sans elle. Elle ne se plaint jamais, fait l’effort d’aller faire les marches matinales avec les dames, stoïque et courageuse. Myriam est vigilante quand il s’agit de ses amis. Ainsi, quand au château Montelena, Agnès a été abordée avec intérêt et insistance par une dame de Portland, en Oregon, elle s’est entendue réprimander sévèrement par Myriam :
Myriam. Photo : Ronald Joseph.
-Agnès, assez parlé à cette dame. Ou pa we madame lan gin yon crush on you ? (1) Où est Adrien ? M.I.A. (missing in action) !
Myriam constitue aussi un frein à l’enthousiasme débordant de son mari, Reginald, qu’elle regarde souvent avec les yeux d’une adolescente amoureuse. C’est beau à voir.
Adrien connaît, quant à lui, tous les noms de fleurs : hortensias, bégonias, roses, lys, caprices… et d’arbres : cyprès, pin, chêne, if, platane ; il épate la gent masculine avec ses connaissances. À force de tant voyager pour son travail, il s’est fait des amis un peu partout dans le monde. À Santa Rosa, à quelques kilomètres de la maison où nous logeons, se trouve la résidence d’été de l’un de ses amis français marié à une Américaine ! Agnès et Adrien y sont invités pour une soirée pendant laquelle ils abandonneront le groupe qu’ils retrouveront fort tard dans la soirée, encore assis autour de la table du dîner, partageant éclats de rire et taquineries envers Sofia qui, ce soir-là, ne les avait pas nourris à leur faim, disaient-ils, leur imposant un régime inhabituel de feuilles auquel Alain avoua être contraint et résigné depuis longtemps. Leur sort ne semblait pourtant pas à plaindre. Ils ne faisaient point pitié. Leurs éclats de rire étaient ininterrompus !
Adrien et Freddie. Photo : Ronald Joseph. Fort tard dans la soirée, le groupe est encore assis autour de la table du dîner. Photo : Ronald Joseph.
Agnès suit le groupe, heureuse d’avoir des amis aussi exceptionnels. Tous ces talents et compétences mis ensemble font qu’il ne lui reste plus grand-chose à faire… Elle est à l’affût du moment où elle peut aider à la cuisine, mettre le couvert, débarrasser la table, nettoyer le comptoir, ranger la vaisselle propre et constate que l’occasion ne se présente pas souvent…. Elle est bouche-trou dans un système qui n’a pas de failles… Elle se repose plus que les autres pendant ces vacances, se réveillant plus tard que les dames, et, de ce fait, ne participe qu’une fois aux marches matinales des femmes. Elle est la seule à profiter une après-midi entière de la piscine. Toutefois, elle s’en voudrait d’être venue si près de sa nièce Victoria sans la voir. Elle craint cependant d’imposer à Victoria un séjour avec un groupe de quinquagénaires mordant la vie à pleines dents, mais qui ne l’intéresse nullement. Les propres enfants de ces quinquagénaires ne voulurent d’ailleurs pas les accompagner. Elle ne voudrait pas non plus imposer au groupe une jeune à distraire.
Agnes à qui les amis ne laissent pas grand chose à faire. Photo : Ronald Joseph.
Néanmoins, Victoria accepte gentiment de venir retrouver sa tante pendant quelques jours. Elle a 21 ans et tout le monde est content de la jeunesse qu’elle apporte. Elle est heureuse d’apprendre de Ronald quelques techniques de photographie. Victoria est toujours souriante et c’est agréable pour tous.
Victoria, 21 ans, accepte gentiment de se joindre au groupe. Photo: Ronald Joseph. Victoria est heureuse d’apprendre de Ronald quelques techniques de photographie. Photo : Ronald Joseph.
Un des buts de ce voyage était la dégustation de vins avec visite des vignobles. C’est extraordinaire de découvrir que ces visites basées autour d’une même activité sont toutefois chacune différentes et empreintes d’un charme particulier.
La première visite se fait à Arista Winery, dans le comté de Sonoma. Sofia, organisatrice sans failles, a programmé cette visite depuis le mois de mai tandis que la moitié de notre groupe faisait ensemble un voyage à Chicago pour soutenir la jeune Cecile Mc Lorin Salvant qui chantait là-bas lors d’un concert de Wynton Marsalis. À l’occasion de l’un de nos diners pris dans un restaurant français de la ville, pour accompagner notre repas, Réginald avait commandé un Mendocino Ridge /Anderson Valley Pinot Noir de Arista que tout le monde avait dégusté avec plaisir. Reginald, en fin connaisseur, nous avait fait apprécier son bouquet aux arômes d’épices, comme la cannelle et la muscade s’unissant harmonieusement avec la cerise et la framboise ainsi que sa saveur de mûres et grains de café gracieusement intégré à un léger tanin de chêne. Il était donc devenu obligatoire de visiter tous ensemble les producteurs de ce vin que nous avions découvert à Chicago.
Arrivée à Arista Winery, dans le comté de Sonoma. Photo : Ronald Joseph. À Arista Winery, Sonoma County. Photo : Ronald Joseph. À Arista Winery. Photo : Ronald Joseph
Arista est l’un des plus petits établissements vinicoles de la région, ne produisant que 4000 caisses par an. Leur salle de dégustation est accueillante, garnie de ravissants bouquets de fleurs : grandes roses blanches, petites roses jaunes, grappes de fleurettes blanches délicates, feuillages verts variés. Elle se trouve au sein d’un beau jardin d’eau japonais avec vues sur montagnes et vignobles. Agnès parle de Furcy et de son rêve d’y avoir un merveilleux jardin qui pourrait bien ressembler à celui-là, qu’elle photographie pour s’en inspirer un jour, quand elle sera à la retraite. Ronald suggère à son tour l’idée de créer à Furcy une salle de dégustation de rhums et produits haïtiens. Ces voyageurs de la diaspora haïtienne ne peuvent vraiment pas se détacher de leur pays.
La visite du château Montelena à Calistoga nous fut, quant à elle, recommandée par Luc Arthur qui avait aimé l’histoire du « jugement de Paris ». Le « Napa Valley Chardonnay » de ce château gagna en 1976 un concours de dégustation organisé par des experts aux yeux bandés, à Paris. Ce vin constitue jusqu’à ce jour le « héros » de ce château de pierres sculptées à flanc de colline et donnant sur un jardin chinois. Il offre l’un des cadres les plus paisibles de la vallée de Napa.
Au Château Montelena à Calistoga. Photo : Ronald Joseph.Au Chateau Montelena. Photo : Ronald Joseph. Au chateau Montelena. Photo : Ronald JosephMyriam et Reginald au Château Montelena. Photo: Ronald Joseph.
Le fameux restaurateur Georges de Sunset à Miami nous a organisé une visite à Healdsburg en Californie, au Ferrari-Carano, où il s’approvisionne en vins. Il souhaite en effet faire bénéficier à son ami médecin et client fidèle, Reginald, ainsi qu’à ses amis d’un accueil V.I.P. Nous sommes tous émerveillés par la magnificence des jardins de cet établissement au milieu desquels est plantée une belle villa toscane servant à recevoir les visiteurs et abritant un magasin souvenir. Dans le jardin aux multiples arbres identifiés chacun par une étiquette, nous apercevons un chêne-liège portugais. Il y a tant à apprendre de cet arbre qui nous fournit les bouchons pour le vin depuis le dix-huitième siècle. Le chêne-liège peut vivre 150 à 200 ans et son écorce épaisse, isolante et crevassée peut atteindre 25 cm d’épaisseur. Une forêt de chênes-lièges s’appelle une subéraie. Quatre pays (le Portugal, l’Espagne, l’Algérie et le Maroc) représentent 91 % de la subéraie mondiale. Le prélèvement de l’écorce s’effectue, la première fois lorsque l’arbre atteint l’âge de 25 ans. On le découpe à nouveau tous les neuf à dix ans, le temps pour l’arbre de reconstituer une nouvelle assise. Les superbes jardins de ce domaine sont tenus par Mme Rhonda Carano. Un tour du vignoble et de la cave nous est offert, tandis que la dégustation a lieu dans une cave où des menus imprimés « Groupe des amis de Georges » nous sont distribués. Les premiers vins blancs de Ferrari-Carano ont été mis sur le marché en 1986 et leurs premiers vins rouges en 1989. C’est là que l’on nous apprend que c’est le Président Reagan qui a introduit les vins de Californie à la maison blanche et que Hilary Clinton est une grande fan de leur vin rouge « Siena ». La visite de Ferrari-Carano est particulièrement instructive. Combien, parmi nous, savaient que tous les raisins produisent du jus blanc ? Pour obtenir du vin rouge, il faut laisser les pelures dans le jus pendant sept à neuf jours. En Europe, les raisins sont récoltés à une date précise. En Californie, on vérifie le niveau de sucre dans le raisin avant de le cueillir, ce qui permet un meilleur contrôle sur la qualité et la production. Et puisqu’à Ferrari-Carano, il fait moins chaud la nuit qu’en journée, la récolte est faite la nuit avec de grands projecteurs. La fermentation du jus de raisin commence toujours dans des fûts d’acier inoxydable. C’est quand la fermentation est réalisée que l’on transfère le jus dans des barils. Les barils viennent tous de France en raison de leur saveur. Un baril coûte en moyenne 1200 $ et peut être utilisé pendant dix ans.
Nous sommes émerveillés par la magnificence des jardins de Ferrari-Carano. Photo: Ronald Joseph. Les superbes jardins de ce domaine sont tenus par Madame Rhonda Carano. Photo : Ronald Joseph. Un tour du vignoble nous est offert. Photo : Ronald Joseph. Un tour de la cave nous est offert. Photo: Ronald Joseph. La degustation a lieu dans une cave de Ferrari-Carano. Photo : Ronald Joseph. Il fait chaud pendant la journée et la récolte se fait plutôt la nuit. Photo: Ronald Joseph. Nous voyons un chêne-liège à Ferrari-Carano. Photo : Ronald Joseph. Visite de Ferrari-Carano. Photo : Ronald Joseph. Agnes et Adrien à Ferrari-Carano. Photo : Ronald Joseph.
Ronald et Maria ont fait un voyage à Barcelone cette année. Là-bas, dans un restaurant, ils ont dégusté un merveilleux vin de Pride Mountain Vineyards, leur donnant l’envie de visiter ce vignoble. Nous sommes chanceux d’avoir un chauffeur expérimenté comme Alain pour conduire notre van dans les rues sinueuses et inclinées menant à Pride Mountain Vineyard. Mais quelle récompense une fois arrivés sur les lieux ! La vue sur les montagnes parsemées de vignes est superbe !
L’endroit est sobre : construction en bois sur un site propre et bien entretenu qui a beaucoup de charme. Sans être tape-à-l’œil comme le Ferrari-Carano, son décor simple intégré à la nature environnante est envoûtant. L’accueil est chaleureux. Leur façon de présenter leur produit est intéressante :
-Leur Viognier, disent-ils, est un vin bipartisan. C’est lui qui fut servi ces six dernières années au dîner réveillon de la Saint-Sylvestre à la maison blanche.
Accueil chaleureux à Pride Mountain Vineyards où le vin est bipartisan. Photo : Ronald Joseph.
La ligne divisant les deux comtés (Sonoma et Napa) traverse leur propriété. Les taxations des deux comtés sont différentes. Ils ont donc des vins produits à Sonoma et des vins produits à Napa. Eux aussi n’utilisent que des barils français. Ils les gardent en service six ans et les donnent ensuite aux scouts qui les revendent transformés en baquets pour les plantes. La visite de leur cave est captivante. Les barils alignés dans de grands couloirs qui se croisent, avec des bougies allumées à égale distance sont un régal pour les yeux. Une salle à manger en matériaux bruts, placée au milieu de ce beau labyrinthe, apparaît de façon inattendue et s’avère invitante.
Pride Mountain Vineyards n’utilise que des barils français. Photo : Ronald Joseph. La visite captivante des caves de Pride Mountain Vineyards. Photo : Ronald Joseph. Barils alignés dans de grands couloirs qui se croisent. Photo : Ronald Joseph. Un régal pour les yeux. Photo : Ronald Joseph. Une salle à manger en matériaux bruts placée au milieu du beau labyrinthe. Photo : Ronald Joseph.
Robert Mondavi… Il fallait à tout prix y aller : certainement le plus connu de tous les vignobles que nous avons visités. Reginald avait une mission à y remplir : acheter, pour son frère Ralph, une casquette à la visière en liège dans leur magasin souvenir, seul endroit où l’on peut trouver pareil article. Ralph a exprimé son enthousiasme vis-à-vis de ce produit qu’il a pu voir et Reginald est déterminé à lui en offrir une. Nous n’avions pas pris rendez-vous pour visiter l’endroit ou pour y déguster leurs vins. Nous y arrivons tardivement, mais leur magasin fort intéressant est encore ouvert. Nous pouvons donc acheter la casquette pour Ralph et nous promener dans cette belle propriété que nous avons l’impression de connaitre, ayant si souvent vu sur leurs bouteilles de vin la photo de cette immense arcade donnant sur le vignoble. Longeant une galerie couverte, nous pouvons admirer quelques statues du sculpteur Italien Américain Beniamino Bufano (1890 – 1970).
Notre groupe a profité de la région au maximum.
Georges de Sunset nous avait suggéré un repas au Bistro Jeanty à Yountville pendant notre séjour en Californie. Excellente recommandation ! Charmant restaurant avec une carte typiquement française. Le chef, Philippe Jeanty, est arrivé de France en 1977 avec un groupe de cuisiniers français pour y ouvrir le « Chandon Restaurant », premier restaurant de qualité dans la région du vin en Californie. Après vingt ans de succès continu au Chandon Restaurant, en avril 1998, Philippe Jeanty mit en place son propre restaurant : le Bistro Jeanty, vite reconnu comme un bon restaurant français aux États-Unis dans lequel des gens du monde entier défilent. Philippe Jeanty vient nous saluer à la fin du repas. Alors que nous sommes tous contents de notre repas et de ce moment passé chez lui, nous l’interrogeons sur l’authenticité de la sole meunière et demeurons sceptiques face à ses explications : la sole des États-Unis est plus charnue que celle que l’on trouve en France…. Bizarre que nous nous soyons comportés ainsi… Pourquoi avoir posé une question qui peut froisser alors qu’entre nous, nous n’exprimions que chaleureux compliments ? Est-ce un comportement typique de client ? Ce serait intéressant de savoir ce que les psychologues en pensent…
Au Bistro Jeanty à Yountville. Photo : Ronald Joseph.
Promenade ensuite dans les rues de Yountville, petite ville agréable avec une jolie place publique où jouent des musiciens, le jour de notre visite. Des familles se sont installées sur des couvertures posées sur la pelouse, sous des parasols, afin de jouir de cette ambiance de fête.
Nous visitons aussi la ville de Santa Helena où tout est joli. Sur la rue principale, Main Street, chaque magasin semble être un petit musée… Le Saint-Helena Olive Oil Co. au 1351 Main Street est trop joli, puisque l’on a plus envie d’admirer ses étalages que d’acheter un article qui risquerait de dégarnir le décor… Tout près, le Woodhouse Chocolate, au 1367 de la même rue, s’avère paradisiaque pour ceux qui aiment le chocolat : beaux à voir et délicieux, les chocolats vendus à la pièce sont artistiquement arrangés dans de jolies vitrines réfrigérées. Un peu plus loin, c’est un plaisir de manger dans le cadre enchanteur du French Blue, restaurant à la nourriture simple, au décor lumineux et accueillant : tout est blanc avec au fond une cuisine ouverte que le client peut observer. On a l’impression d’être dans un grand patio avec l’avantage d’une température contrôlée par la climatisation. Sel et poivre sont servis dans de jolis moulins en acier inoxydable au mécanisme spécial qui intrigue tout le monde. En appuyant sur le haut de ces moulins, un mouvement sec se déclenche et l’on sent un marteau caché frapper et broyer le sel ou le poivre placé à l’intérieur. Freddie, le « désordre », pousse la curiosité jusqu’à en vider un pour le démonter et voir comment il fonctionne, ce qui s’est révélé bien économique pour ses amis qui voulaient en acheter. Freddie a pu en effet leur démontrer ainsi que l’appareillage de ces moulins n’était point solide. Le French Blue a perdu une vente de ses petits souvenirs.
En se dirigeant vers la voiture, Victoria et Agnès rentrent rapidement dans l’église de Saint-Helena pour y faire une prière d’Action de grâce. C’est merveilleux qu’un tel voyage ait pu avoir lieu dans la bonne humeur et la bonne entente parfaite, sans aucun incident. Il faut remercier Dieu.
Ce ne serait pas normal qu’un voyage de citadins dans la vallée de Napa, visitant les vignobles de l’endroit et la campagne, se termine sans jamais voir la ville de Napa. Il s’agit d’une jolie ville qui s’étend le long du fleuve Napa, où tout est propre et semble neuf, où tout paraît de bon goût. Dans la ville, la signalisation est réalisée de manière artistique : sur un poteau sont fixés de minis enseignes publicitaires avec des flèches pour indiquer leur direction. Ce système pratique et esthétique intéresse particulièrement Agnès qui le photographie pour le partager avec sa fille Sylvie qui travaille en Haïti dans le domaine de l’affichage. Intéressant aussi la leçon de Cha-cha-cha placée sur le trottoir et accessible à tous.
Leçon de Cha-cha-cha sur un trottoir de Napa. Photo : Ronald Joseph.
Les paysages au bord des routes sont superbes. Les beaux rosiers en fleurs placés devant les rangées de vigne offrent vraiment un merveilleux effet. Il parait qu’ils ne sont pas là pour l’esthétique. Les rosiers attrapent les mêmes maladies que les vignes, mais plus vite qu’elles. Ils sont donc là pour tirer la sonnette d’alarme. Quand ils sont malades, il faut vite s’occuper des vignes plantées derrière eux avant qu’elles ne suivent.
Charmant séjour, mais toutes les bonnes choses ont une fin. Il faut rentrer à la maison. Le côté économe de Sofia fait qu’elle ne voudrait pas laisser des restes de provisions dans la maison. Ils seront sûrement jetés à la poubelle et Sofia n’aime pas le gaspillage. Elle est heureuse d’organiser pour Victoria, qui vit seule avec son papa, de grands sacs de provisions à emporter. Même un restant de sauce de viande est mis dans un zip lock, congelé et pourra servir sur des pâtes, explique-t-on à Victoria qui semble aussi heureuse qu’amusée de recevoir ces paquets. En fait, tout le groupe est soulagé que rien ne se gaspille : les restes de riz, sucre, café, légumes, jambon, fromage, céréales et autres seront tous utilisés.
Après cinq jours de bonne entente, de détente, de visites, de paysages superbes, le 2 août 2012, dix amis embarquent pour le vol AA 442 de San Francisco, Californie à destination de Miami, Floride. C’est l’un des plus de 1000 avions qui décolleront ce jour de l’aéroport de San Francisco emportant en moyenne 107 545 passagers par jour (statistiques de 2010). Rien n’est plus ordinaire que le décollage de ce vol qui ramène chez eux dix amis qui ont fait provision de bons souvenirs et de bons moments, mais pour qui ce vol est unique. À travers les hublots, les paysages devenus familiers ne nous paraissent plus secs et arides. Pour ces amis qui ont passé de si bons moments ensemble, ils sont à présent brillants, ensoleillés, chaleureux et inoubliables.
Des amies ayant passé de bons moments en Californie du 28 juillet au 2 août 2012. Photo: Ronald Joseph.
(1) Ou pa we madame lan gin yon crush on you ? Phrase créole. Traduction française : Ne vois-tu pas que cette dame a le béguin pour toi ?
NB : Les quinquagénaires de ce voyage fait en 2012 sont maintenant des sexagénaires heureux de connaître le bonheur de vivre une amitié qui n’a cessé de s’embellir. Merci et compliments à notre ami Ronald Joseph pour ses magnifiques photos.
La deuxième édition du Festival des auteurs francophones en Amérique s’est tenue au National Arts Club de New York le 22 novembre 2022, deux jours avant la Thanksgiving. Trente auteurs étaient présents. Ils sont venus de trois continents et sont tous membres de la plateforme Rencontre des Auteurs Francophones créée par Sandrine Mehrez Kukurudz.
Ce salon a eu lieu dans un lieu prestigieux. En effet, le National Arts Club a été fondé en 1898 par l’auteur et poète Charles de Kay qui a voulu voir l’art américain s’inspirer des États-Unis d’Amérique plutôt que de continuer à s’inspirer de l’Europe. Ce club est maintenant placé dans un merveilleux local aux abords du Gramercy Park, un des deux parcs privés de la ville New York dont l’accès est limité aux riverains qui en reçoivent une clef.
Peggy Ebring (Martinique) à l’entrée du National Arts Club.
L’honorable Francis Dubois, membre du Conseil d’Administration du National Arts Club, ayant à son actif une brillante carrière aux Nations Unies, nous a accueillis et est resté présent durant tout l’évènement.
Sandrine Mehrez Kukurudz a organisé ce salon avec grâce, enthousiasme, dynamisme et dévotion. Elle a su mettre en valeur le travail, la personnalité, le parcours, les envies de chaque auteur. Elle a discrètement fait attention à tous les détails et n’a pas mentionné qu’elle aussi est autrice et a déjà publié deux romans : « La Valise noire à nœuds roses » et « L’Atelier au fond de la cour ».
Les visiteurs, futurs lecteurs de nos œuvres, ont été bienveillants. Ils ont fait preuve de curiosité et ont eu le loisir de pouvoir poser leurs questions aux auteurs, heureux de leur répondre conscients que ce sont les lecteurs qui donnent aux livres leur vraie valeur.
Lectrice attentionnée
Autrice : Laure Enza
Visiteur heureux
Autrice : Nour Cadour
Merci à ces lectrices
Autrice : Agnès Castera
À la fin de ce salon, Monsieur Francis Dubois et Madame Sandrine Mehrez Kudurudz ont rappelé au public qu’en 2023, « Le Petit Prince » d’Antoine de Saint-Exupéry, œuvre écrite à New York et connue dans le monde entier, fêtera ses 80 ans. À l’occasion de cet anniversaire, un ouvrage sortira, regroupant une soixantaine de textes en relation avec « Le Petit Prince » écrits par des auteurs faisant partie du groupe Rencontre des Auteurs Francophones. Je suis fière d’être l’une des contributrices de ce recueil, dont la belle couverture sera la reproduction d’un tableau conçu et dessiné pour l’occasion par l’artiste peintre établie alors en Floride, Sandra Encaouah Berrih.
Le Festival a été parrainé cette année par le fameux Marc Lévy. Je ne l’avais encore jamais lu. À l’annonce de cette nouvelle, je me suis vite rattrapée. J’avoue avoir eu l’embarras du choix quand il m’a fallu me procurer l’un de ses livres. Le titre « Les Enfants de la liberté » m’a plu, alors je l’ai choisi. « Les Enfants de la liberté » est une œuvre qui m’a profondément touchée et bouleversée. C’est la belle et triste histoire vraie d’adolescents et jeunes adultes activement engagés dans la résistance pendant la Deuxième Guerre mondiale. Le fait que les personnages principaux du livre ne sont autres que le père et l’oncle de Marc Levy donnent une dimension particulière à ce livre.
Marc Levy a sorti son dernier roman, « Éteignez tout et la vie s’allume », le jour du festival. Il nous a malgré tout fait l’honneur de nous rejoindre au diner entre auteurs et organisateurs, offert au National Arts Club dans la soirée. J’ai ressenti de la fierté en le voyant arriver. De la timidité semblait s’échapper de sa grande taille et de sa stature imposante. Il a salué et accueilli dans la plus grande simplicité ceux qui se sont approchés de lui. Il a d’ailleurs volontiers accepté de poser pour un selfie. J’ai donc eu auprès de moi une célébrité affable et disponible que je n’ai pas voulu importuner. Je me suis contentée d’une photo de groupe.
Photo de groupe avec le parrain de l’évènement :
Marc Levy
Pour le diner, j’ai eu à ma table des auteurs telles que Françoise Péeters, « Le Retour de Violette et autres histoires de hasard », Nour Cadour, «L’Âme d’un luthier » et « Larmes de lune », Amira Benbetka Rekal, « Et soudain Paris s’est rallumée », Laure Enza, « Comme un parfum d’immortelles ». Laure Enza nous a fait part de son admiration pour Marc Levy. Elle nous a raconté, comme s’il s’agissait d’un fait divers, la surprise qu’elle a éprouvée en retrouvant le nom et le surnom de son père à la lecture du livre « Les Enfants de la liberté » : « Son vrai nom était Lorenzi, mais chez nous on se contentait de l’appeler Robert ; parfois on l’appelait aussi « Trompe-la-Mort » » dit Marc Levy au chapitre quatre. Or, il se trouve que Laure Enza est la fille de « Trompe-La-Mort » ! De plus, elle connaissait l’histoire relatée pour avoir dactylographié les mémoires de son père. Elle l’a donc fait savoir à l’auteur et a beaucoup apprécié de recevoir une réponse personnelle de lui. Je me suis sentie tout à fait honorée d’être entourée de deux descendants directs de braves jeunes pleins de courage qui ont lutté et souffert pour un idéal de liberté. Ce fut un moment fort de cette journée passée au festival de New York et je veux le garder en souvenir.
Je ne souhaite pas non plus oublier ces rencontres chaleureuses faites en personnes après nous être d’abord connues virtuellement sur la plateforme www.rencontredesauteursfrancophones.com. Je veux toujours chérir le souvenir des conversations avec les lecteurs qui se sont déplacés pour venir nous parler, nous découvrir et nous lire. Je veux conserver les liens créés. Je remercie Sandrine Mehrez Kukurudz de s’engager à continuer à développer le groupe. Je suis heureuse qu’elle projette l’internationalisation de la plateforme avec les livres accessibles dans le monde et l’organisation d’autres salons.
Cela fut un plaisir de côtoyer pendant une journée entière des gens qui connaissent une même passion. Les échanges ont été fructueux et enrichissants. C’est réconfortant de communiquer directement avec les lecteurs. Longue vie et succès continu à www.rencontredesauteursfrancophones.com.
Eva received a few marriage proposals that she rejected or perhaps it was the men that were backing off. She had one non-negotiable condition for saying yes: she would never bear a child.
Eva’s mother, Trinity, liked to tell her how her dad and her formed a couple until Eva was born in 1960 on Thanksgiving Day. Her father felt useless while Trinity was in the labor room getting ready for delivery. During this time, he went through an array of emotions. His joy switched to uncertainty, his excitement to anxiety, all while recalling bad jokes too often heard from playboy friends: “Fatherhood is an act of faith”.
When Eva was brought to him, he seemed indifferent both to her and his tired wife. He performed a methodical examination of the little creature before him and felt no real connection to her. He anxiously searched for the features resembling his. Not my nose, my mouth or my forefront, he noted. “She is not mine” he dropped out loud as he stormed out.
Eva grew up without a father and with a mother who despised her for being the reason her husband walked away. Eva would not risk putting a child into this world until she knew they would be unconditionally loved. She could never have confirmation of this ahead of time and therefore condemned herself to a lonely life. It was cruel that something she could not control, like the shape of a nose, could determine the love of a dad.
Dans notre monde, les coutumes diffèrent, les lois varient, les religions ne sont pas les mêmes et les frontières séparent les peuples. Mais l’humanité a des points communs et le mariage en est un. Tous les jours, les gens se marient à travers le globe et, si les rituels varient, les mariages célèbrent tous l’union de deux personnes pour la vie. Voilà un acte commun, mais néanmoins unique pour ceux qui le posent.
Stéphie et Olivier s’aiment et décident de se marier en 2019. Ces mots familiers cachent tout un programme de vie et définissent la décision la plus importante que ce couple prendra dans son existence. Dans un acte solennel, ils établiront entre eux une union, s’engageront pour la vie, pour le meilleur et pour le pire sous le regard aimant et ému de parents et amis.
Le mariage a toujours fait rêver les jeunes filles romantiques. Stéphie n’a pas échappé à cette règle. Sa meilleure amie Adèle me confie qu’à la suite d’un voyage fait dans son adolescence au Guatemala, Stéphie lui avait déclaré qu’elle convolerait un jour en justes noces dans la jolie ville coloniale d’Antigua. Quand ma fille Stéphie a une idée en tête, elle ne l’a pas dans les pieds ! Je ne m’étonne donc pas qu’elle ait contacté sa tante Pascale qui vit à Guatemala City sitôt que la bague de fiançailles lui fut passée au doigt. Il fallait que Pascale lui trouve un wedding planner capable de faire son rêve devenir réalité. Adèle me conforte. Je n’ai pas à m’inquiéter pour Stéphie, me dit-elle. Elle s’est tracé son chemin avant d’entrer dans l’âge adulte : elle serait dentiste, et elle l’est ; elle se marierait à Antigua au Guatemala et cela va arriver.
Je me demande alors pourquoi Stéphie m’a laissé lui répéter que je la marierais à Stockholm. Dans l’angoisse d’avoir moi-même à organiser le mariage de ma benjamine, je cherchais une solution facile et avais le fantasme que je trouverais seulement chez les Suédois un professionnel compétent et responsable qui prendrait tout en charge. Cependant, le temps où les parents organisaient le mariage de leurs enfants est révolu. De nos jours, ce sont les mariés qui prennent les choses en main. J’apprécie cette façon de faire qui les responsabilise et leur fait comprendre l’envergure de leur entreprise.
Stéphie fait part à Adrien et moi de ses projets. Nous nous en réjouissons et ne pouvons nous retenir d’en parler bien vite aux parents et amis en leur disant d’inscrire un voyage au Guatemala en fin d’année à leur agenda. Un ami nous répond qu’il ne pourra malheureusement pas être avec nous. La raison est qu’il est trop difficile pour un Haïtien d’obtenir un visa guatémaltèque. Aux renseignements, nous apprenons que le visa guatémaltèque se donne en République dominicaine avec des procédures strictes et longues. Il n’est pas possible d’imposer toutes ces contraintes à nos invités.
Or, peu de temps auparavant, un autre ami nous avait parlé de Mérida, ville coloniale, capitale du Yucatan au Mexique. Il se trouve qu’un vol direct de Miami à Mérida existe et qu’il ne dure qu’une heure et demie. De plus, tout détenteur de visa américain ou Schengen n’a point besoin de visa pour se rendre au Mexique. Sans même connaitre cette ville, Adrien la suggère à Stéphie et Olivier pour leur mariage. Dès janvier 2019, ils partent visiter Mérida et rencontrer le wedding planner Six Sens trouvé sur internet. Pour cette première prise de contact, Aurélie de Six Sensest en déplacement. Mais son mari, Benoit, s’occupe de Stéphie et Olivier. La confiance s’établit au premier contact avec Six Sens. Benoit et Aurélie se montrent qualifiés et dévoués à la tâche. Ils ont de plus l’avantage d’être francophones. Il est toujours agréable de traiter affaires dans sa langue maternelle.
Après cette visite, la planification avance grâce à de fréquentes et longues communications téléphoniques entre les futurs mariés et Aurélie. La date du mariage est fixée : ce sera le samedi 30 novembre 2019, weekend de la Thanksgiving. L’hacienda pour la réception du mariage est choisie ; celle du cocktail de bienvenue l’est également. Une autre visite à Mérida est impérative. Il y a encore beaucoup à faire : choix des sous-traitants à retenir pour le mariage et planification de tant de détails. J’avoue accepter avec stress l’invitation lancée par Stéphie et Olivier à les accompagner lors de leur prochain voyage à Mérida. Les fortes personnalités de mon mari et de ma fille peuvent provoquer des étincelles quand il y a divergence d’opinions, même s’il s’agit d’un détail insignifiant. Toutefois, tout se passe à merveille à Mérida. Je ne sous-estime pas comment la grande expérience d’Aurélie et Benoit a contribué à faciliter les choses, et à orienter les choix toutes les fois où c’était nécessaire.
Durant ce voyage, nous interviewons plusieurs corps de métiers présélectionnés par Six Sensqui font tous preuve d’un grand professionnalisme.
Ainsi, Deli Gourmet qui nous offre une dégustation de délicieux gâteaux, desserts et fromages. En outre, la souriante Gina Osorno, excellente chanteuse de jazz du Yucatan, nous y rencontre, le sourire aux lèvres. Elle n’a rien du caractère de la diva, malgré son grand talent que nous avons déjà pu apprécier sur Youtube. D’une simplicité et d’une gentillesse désarmantes, elle nous dit sa grande admiration pour la chanteuse de jazz Cécile McLorin Salvant qu’elle sait avoir les mêmes origines que nous. Stéphie est fière de lui dire que Cécile est son amie et que ses parents sont sur la liste d’invités. Gina nous confie alors combien elle serait heureuse et fière de rencontrer Cécile en personne.
Nous visitons également le boutique hôtel Rosas y Xocolate au cadre enchanteur et au personnel compétent qui négocie avec nous l’organisation d’un brunch à offrir à nos invités au lendemain du mariage.
Par la suite, la mariée essaie coiffure et maquillage au Salon Andy O où l’accueil est chaleureux, les employés bienveillants ; par ailleurs, les services proposés s’avèrent excellents.
Nous poursuivons nos démarches avec la photographe Lili del Angelqui nous présente son portefeuille. Cela plait et les futurs mariés l’embauchent. Lili del Angel sous-estimait sans doute à quel point elle avait affaire à forte partie en les personnes de Stéphie et Olivier. En effet, Fredo Dupoux, la référence en terme de photographie de mariage en Haïti, est le cousin germain d’Olivier ; de plus, Axel Dupoux, le père d’Olivier se passe de présentation quand il s’agit de photographie en Haïti. Olivier ne souhaitait pas les voir travailler le jour de son mariage, mais tout photographe prêt à offrir ses services pour son mariage devait impérativement pouvoir rivaliser avec ces deux talents. Point n’est besoin de vanter la qualité du travail de Lili del Angel qui a su gagner la cause en montrant simplement son travail.
Encuadre Digitalest ensuite sélectionné pour réaliser la vidéo du mariage, car les futurs mariés ont regardé leurs œuvres et celles-ci répondaient à leurs attentes.
Je précise ici qu’Olivier a un gros appétit et que Stéphie est fin gourmet. À leur premier voyage à Mérida, ils ont fait une dégustation chez le traiteurMargarita Zoreda. Ayant apprécié ses plats, ils ont fixé le menu.
À Mérida, c’est le service traiteur qui fournit au client meubles, argenterie, verrerie et vaisselle. Accompagnés d’Aurélie, nous allons voir leur matériel dans leur salle d’exposition. Sur les tables bien dressées avec des couverts différents, Raw Fleurs a disposé de superbes arrangements floraux. Avec l’aide de Sylvie, graphic designer, et de Vanessa Apaid de Edge Design, les mariés avaient déjà sélectionné les fleurs de couleur qui devront figurer sur leurs cartes d’invitation. Ils avaient ensuite communiqué l’image à Six Sens qui avait la mission de trouver à Mérida un fleuriste qui pourrait leur faire, pour le cocktail et la réception du mariage, des bouquets qui rappelleraient ceux imprimés sur leurs cartes. C’est chose faite avec les arrangements de Raw Fleurs qui sont une vraie réussite !
Stéphie est une personne de détails. Elle veut ajouter au matériel fourni par Margarita Zoreda des meubles sortant de l’ordinaire : des sofas, de belles tables rustiques, des verres de couleur… Aurélie, à qui elle a communiqué sa vision, a trouvé ce qu’elle cherche et a demandé au service de location Minimal d’exposer leur matériel tout spécialement pour nous dans le merveilleux site de l’Hacienda Chichí Suárez. Pour que ces meubles fassent plus d’effet, les bouquets de fleurs sont transportés pour les décorer. C’est vraiment traiter le client en roi.
LC Production et Illumination fournira les appareils de son, fera les installations de lumière, installera le plancher sur la pelouse de l’Hacienda Dzibikak pour le lieu de la réception, louera et installera la tente. Les négociations sont toutes faciles. Il n’y a aucune touche d’amateurisme.
Pendant ce séjour, nous logeons tous les quatre au magnifique hôtel La Mansion, situé en plein centre-ville, en face de la belle église catholique Tercera Orden. Pour recevoir le sacrement du mariage à l’Église catholique, les mariés doivent être confirmés. Or, Stéphie et Olivier ne le sont pas. Ils doivent donc suivre des cours de préparation au mariage pendant plusieurs mois. Cela s’avère compliqué, parce que la préparation au sacrement de confirmation ainsi que celle au sacrement du mariage sont longues. Il ne reste que sept mois et demi avant le mariage.
Stéphie habite et travaille en Floride, Olivier habite et travaille en Haïti. Où faire ces préparations ? Qui acceptera de les faire simultanément et en un temps record ? Aurélie a quand même programmé une rencontre avec le Père Paul qui pourrait célébrer le mariage en anglais dans la mesure où il est américain. Est-ce nécessaire d’ajouter ces cours à tous les préparatifs déjà en cours ? Stéphie aime dire qu’elle est une scientifique et pas vraiment une personne de grande foi. J’exprime néanmoins combien j’aimerais que la grande et belle fête que nous préparons soit associée à l’acte solennel du sacrement reçu de l’Église. Aurélie nous informe alors que ce n’est pas aussi compliqué que cela le semble.
Au bout des quatre jours passés à Mérida, à ma grande joie, Stéphie et Olivier annoncent qu’ils se marieront à l’église.
Ma fille ainée, Sylvie, dispose de toutes les adresses nécessaires. Elle prend contact en Haïti avec Madame Marie Rose Michel qui accepte de préparer ces jeunes au sacrement de confirmation.
Stéphie ne se plaint pas des nombreux voyages que ces visites régulières chez « Mamiro » lui imposent. Elle est ravie d’y recevoir le pain de l’esprit. Olivier et elle sont heureux de développer ensemble leur spiritualité, d’entrer en contact avec leur Dieu. Ils trouvent ensemble une paix intérieure en faisant grandir leur foi. Dans son enthousiasme d’avoir trouvé Dieu, Stéphie dit fièrement à qui veut l’entendre qu’elle est devenue apôtre de Dieu. C’est merveilleux.
La préparation au sacrement du mariage se fait aussi en Haïti par le Père Max. Là encore, Stephie et Olivier apprécient tous les conseils reçus pour réussir pleinement une vie à deux. Dieu, dans sa bonté, a eu la délicatesse de s’adresser à Stéphie à travers des intermédiaires qui ont parlé en Son Nom et l’ont touchée : Aurélie qui a discrètement encouragé le mariage religieux, Mamiro et Père Max qui les guide.
En Haïti, l’année est difficile politiquement. Ce n’est malheureusement pas la première fois et ce ne sera pas non plus la dernière. 2019 fut marquée par le mouvement de « pays lock » où des manifestants ont bloqué tous les secteurs d’activités. L’économie en a beaucoup souffert. Les gens sont dans l’incertitude. Les plus proches et ceux qui avaient fait leurs arrangements longtemps à l’avance pour venir au mariage confirment heureusement leur présence. Cependant,inquiets de la situation, bon nombre de nos invités pensent qu’il est préférable pour eux de s’abstenir de voyager dans ces temps tendus. Nous les comprenons. Nous le regrettons. Ils vont nous manquer.
II
Le mercredi 27 novembre 2019, à 9 h am, Adrien et moi sommes à la porte d’embarquement du vol de la American Airlines allant de Miami à Mérida. J’ai la mission d’amener à Merida la robe de mariée que j’ai récupérée la veille à Miami. Je ne m’en sépare pas. Je n’ai pas eu grand-chose à faire pour le mariage. Il faut qu’au moins je mène à bien la mission qui m’est confiée.
À l’aéroport de Miami, la porte d’embarquement pour le vol de Mérida n’est occupée que par nos invités. Cela nous donne l’impression d’un vol privé et c’est excitant ! Nous sommes heureux d’y voir les mariés Stéphie et Olivier, les parents d’Olivier, Ninon et Axel, la sœur d’Olivier, Joanne et son mari Randolph, leur fils Christopher, leur fille Chloé, Luc Arthur, frère de Stéphie et sa femme Alejandra avec leur fille Celine, la cousine de Stéphie, Cloé mariée à Geoffrey, ami d’Olivier, avec leur fils Leo, les amis d’Adrien et moi, Sofia, Alexandra et Dirk, Lai Ching, Viviane et Rudy, Nancy et Yves, Garry et Nathalie, les amis d’Olivier, Émilie et Teddy, Gaëlle et Felipe, Christian et Alexandra, ses cousins, Lionel et Cynthia. Tout le monde embarque dans la bonne humeur dans cet avion qui nous fait sentir qu’il est nôtre. Avant l’atterrissage, le pilote a même demandé de chanter “Happy Birthday” pour la future mariée Stéphie Castera qui était à bord et dont c’était aussi ce jour-ci l’anniversaire.
Quant aux cousins de Stéphie, Sebastien et Molly, sa fiancée, ils arrivent de Portland, Oregon et Léonie de Munich. Ils font escale à Mexico City où ils se rencontrent fortuitement. Ils nous envoient une photo. Ils arriveront ensemble à Mérida. Le frère d’Olivier, Stanley, et sa fiancée Naïka arriveront aussi de Mexico City qu’ils ont visité.
Aurélie et Benoit sont à l’aéroport de Mérida pour nous accueillir. L’équipe est joyeuse. On a confié à plusieurs de ses membres la mission d’apporter une bouteille de Rhum Vieux Labbéqui sera servi au mariage. C’est une courtoisie de Herbert, mon gendre, qui produit ce rhum. Les douaniers ont sans doute compris le stratagème de ce grand groupe dans lequel chacun déclare avoir une bouteille de rhum. Toutefois, Mérida encourageant les mariages destination, ils ont certainement déjà vu plus exotique et inhabituel que ces fanatiques de Rhum Vieux Labbé qui ne peuvent s’en passer pendant un voyage !
Dans la bonne humeur, nous embarquons tous dans un bus qui nous mène aux différents hôtels. Dans la soirée, Adrien et moi nous rendons au Hyatt qui est le meilleur point de rencontre, puisque c’est l’hôtel sélectionné par la majorité de nos invités. Nous sommes contents d’y voir Anouk, Jocelyne et Lex, les cousins venus d’Aruba, ainsi que Léonie arrivée d’Allemagne, en plus de ceux qui avaient pris le même vol que nous.
Le jeudi 28 novembre 2019, c’est la Thanksgiving. Un autre groupe embarque à l’aéroport de Miami où l’ambiance est sûrement la même que celle de la veille. Je suis excitée à l’idée de bientôt voir, dans cette accueillante ville de Mérida,ma fille ainée Sylvie et son mari Herbert, mes petits-fils Mathias et Andreas, mon neveu Jean-Marc et sa femme Fanny avec leurs filles Mia et Lea, les cousines Maryse, Florence, Gladys et Claude, les amis, Jacquemine, Chantal et Ludwig, Ariann, Murielle et Ralph, Danièle et Carl, Gigi et Max, Marie Josey, Élisabeth et Gérald, Tahira, amie dentiste de Stéphie.
Les invités arrivent d’un peu partout. Dominique, Pascale et Stéphane viennent du Guatemala. Angèle, Veronica et Carlos Adrien viennent de Panama. Françoise, Dominique et Guy, Patrice et Marika, Yendy et Stephann, Ludovic et Alexys, Stephane en ont profité pour passer des vacances au Mexique et visiter plusieurs villes avant de venir à Mérida. Nathalie, Tanguy et Maria viennent de Vancouver. Kris, Cassandre et leurs fils Yahn et Loïc, de Montréal.
Pendant la journée, Adrien et moi, nous nous promenons un peu à la recherche de nos invités et nous sommes contents de constater que chacun a trouvé son centre d’intérêt dans cette ville conviviale. Nous sommes heureux d’en croiser au centre-ville, à l’Opéra, devant l’Université, devant un centre d’artisanat, dans un parloir de glaces, un peu partout finalement !
Quant à ceux que nous n’avons pas encore vus, nous les verrons à Hacienda San Juan Opichén pour le cocktail de bienvenue programmé pour 5h pm. C’est un lieu magique, avec ses beaux jardins français, ses palmiers royaux, ses fontaines, sa grande piscine, son bar vitré avec une voiture suspendue, de superbes suites au fond de la cour, sa riche chapelle, sa propre cénote, et son musée ouvert au public exposant le somptueux mobilier des propriétaires du temps où les agaves, connues dans la région du Yucatan sous le nom de Henequen, avaient permis à ceux qui la cultivaient et l’exploitaient de faire fortune.
Hacienda San Juan Opichén
Des bus ont assuré le transport des invités de l’Hotel Hyatt (point de rendez-vous) à l’Hacienda Opichén. Ils nous déposent devant le portail. Sitôt franchi, un coup de tequila nous est servi en guise de bienvenue. Nous traversons la belle galerie au bout de laquelle, sur la droite, il y a la riche chapelle. Nous passons par un majestueux salon arborant un merveilleux lustre de cristal pour aboutir à une deuxième imposante galerie garnie de belles fresques sur les murs jaunes et, côté cour, de ravissantes arcades soutenues par des belles colonnes blanches de béton.
Le Trio Despertar (Le Trio Réveiller) met de l’ambiance avec des airs connus de musique latine. Boss Piq manifeste son contentement avec un geste spontané qui plait à l’assistance. Il soustrait le microphone des mains du chanteur du groupe et fait entendre sa voix rocailleuse interpréter Capullito de Alheli de Sonora Santanera sous les yeux surpris, mais conciliants du professionnel. Cette performance n’est pas la seule surprise de la soirée. Il y a là un photographe que ni Stéphie ni Six Sens n’avaient contacté. Après renseignements, nous apprenons qu’il est présent pour un magazine de mariage du Yucatan. Nous sommes heureux de voir dès le lendemain de superbes photos de l’événement postées sur leurs pages Instagram : Diegogalaphoto et Ebodas. C’est d’ailleurs l’une de leurs magnifiques photos qui immortalise l’intervention musicale de Boss Piq. De ce fait, je demeure persuadée que ceux, qui ont par la suite engagé le Trio Despertar, ont été déçus de ne pas y retrouver le chanteur chauve, souriant, incarnant la joie de vivre figurant surInstagram !
Boss Piq chante avec le Trio Despertar
Nous nous promenons autour de la piscine. Nous nous asseyons sous la choucoune placée au fond de la cour. Nous nous installons autour de tables placées sous la galerie. Nous dansons. Toute la soirée, de fins hors-d’oeuvre nous sont servis.
Cela me fait plaisir qu’Alexandra et Florence remarquent que les ravissants bouquets placés sur les tables sont les répliques des bouquets des cartes d’invitation.
Stéphie et Olivier ont la délicatesse de mettre de la dinde au menu pour que les invités qui ne fêteront pas la Thanksgiving de manière traditionnelle retrouvent au moins le plat typique du jour. La dinde est une chair que j’apprécie énormément et je peux témoigner que « Mondana Banquetes » l’a préparée à merveille. Juteuse, épicée à souhait, elle ne saurait être plus délicieuse. Comme c’est ravissant que le buffet soit servi sous des huttes de village Maya installées pour la circonstance ! Histoire de plonger les invités dans la culture mexicaine…
Des couples, hommes vêtus de blancs et femmes vêtues de robes blanches brodées de fleurs colorées, viennent danser la Jarana Yucatèque, danse typique de la presqu’ile du Yucatan, au cours de laquelle hommes et femmes exécutent les mêmes pas. Après quelques minutes, ces couples invitent des gens de l’assistance à danser avec eux. C’est maintenant Lex qui nous épate. Même sa copine Jocelyne découvre ses talents de grand danseur ce jour-là.
Bérénice exprime ce soir-là son enthousiasme avec une spontanéité qui fait plaisir. Elle dit jouir de la bonne ambiance dans ce cadre enchanteur. Elle photographie tout pour s’assurer de ne rien oublier. Au coucher du soleil, elle admire le fabuleux éclairage mis en place et c’est elle qui, la première, remarque la dame sur échasses qui nous invite à la suivre avec des torches qu’elle fait tourner au bout de ses bras. Elle nous guide vers la cénote pour assister à une cérémonie Maya honorant les cinq éléments. L’eau des cénotes est d’une clarté impressionnante. Le cadre est beau. Des paroles y sont prononcées dans une langue inconnue de tous, des rites sont pratiqués avec le feu, l’eau, la terre, dans une grande chaleur et pas beaucoup d’air. Les taquineries résonnent dans cette cave où l’écho est présent. On rit des remarques anodines lancées dans la foule : Olivier est noué pour la vie à Stephie (« yo maré Olivier »), c’est du vaudou Mayan exercé sur Olivier (« min ouanga Mayan sou Olivier »). L’humidité de la cénote rend la chaleur insoutenable avec la concentration de personnes et les torches de feu que les célébrants promènent d’un coin à l’autre. On en sort tous mouillés de sueur. Heureusement que des frutti-bars parfumés à l’alcool (rhum, tequila…) nous sont offerts. Ces bâtonnets de glaces sont bienvenus et on s’en met une bonne quantité dans le corps, oubliant qu’ils sont alcoolisés ! Ils accentuent la bonne humeur et suscitent, du moins chez moi, une pointe d’insouciance.
Cette soirée a commencé à cinq heures de l’après-midi et finit à minuit. Mathias et Andreas sont venus d’Haïti où Sylvie et Herbert les ont récupérés à l’école le mercredi, pour se rendre directement à l’aéroport et prendre le vol de Port-au-Prince à Miami où ils ont dû passer la nuit. Ces jeunes de quatorze ans sont partis le lendemain pour Mérida où ils sont arrivés le jour même du cocktail. Il n’est pas étonnant qu’ils soient épuisés en fin de soirée. Andreas s’est installé sur un divan sous la cabane pour dormir et on est venu me rapporter que Mathias dormait sur un mur placé à côté de l’escalier qui mène aux toilettes ! Quand Stéphie est mise au courant, elle n’en revient pas de mon insouciance pour n’avoir pas vu le danger d’une chute de ce mur étroit ; elle réveille donc le pauvre Mathias…
Pour ce cocktail de bienvenue, nous avons tous été plongés au sein de la culture mexicaine dans une merveilleuse ambiance où tout le monde était visiblement content, au point où l’on se demande si les prochaines activités peuvent être aussi réussies.
III
Le vendredi 29 novembre, une visite guidée est programmée dans l’ancienne ville d’Uxmal, considérée comme l’un des sites archéologiques les plus importants de la culture Maya. Ce site est impressionnant. Il est enrichissant de le visiter.
Cependant, Stéphie veut être au top de sa beauté pour son mariage qu’elle prépare depuis plusieurs mois. Adrien et moi voulons être frais et dispos, reposés. Nous n’allons donc pas à Uxmal que nous avons déjà eu la chance de visiter. En vrai gentleman, Olivier tient à y accompagner ses invités. Il en revient content de l’émerveillement de tous devant le site. Cela lui a fait plaisir de les entendre parler de plaisir total, de découverte. Il est heureux de constater la synergie des deux familles, des différents groupes qui en viennent à n’en former plus qu’un seul, tous ensemble. Il raconte avoir vu des moments de camaraderie qui laissaient croire que toutes les personnes présentes se connaissaient depuis toujours !
Le groupe est ensuite allé manger à l’Hacienda San Pedro Ochil où le buffet Yucatan se révèle bon et bien organisé. Danscette hacienda superbement préservée et entretenue, on peut voir une plantation de sisal (henequén). Un petit train qui transportait le henequén dans l’hacienda du temps de l’exploitation de cette fibre est encore là, en état de fonctionnement. Des palmiers royaux bordent royalement l’allée menant au portique d’entrée à influence mauresque. Et la cénote autour de laquelle on a construit un amphithéâtre est à voir !
Ceux qui ont participé à cette excursion ont beaucoup apprécié la présence d’Olivier qui, en guise de bonus, a filmé biendes scènes de l’expédition et a pris le temps de faire un montage vidéo de cette journée. Ce petit film laisse transparaitre la bonne humeur, la franche camaraderie, la curiosité et l’intérêt de tout le groupe.
Plaisante anecdote. Mon amie Marie Alice est erpétophobe, cela veut tout simplement dire qu’elle a peur des reptiles et des amphibiens. Elle s’inquiète de la présence éventuelle d’iguanes à Uxmal où elle a programmé d’aller. Un contretemps l’empêche d’être du groupe et elle reste ce jour-là à Mérida qu’elle prend le temps de visiter. Elle se promène à travers les rues colorées de cette sympathique ville qui offre un agréable sentiment de paix et de sécurité. Or, Luc Arthur aperçoit un iguane à Mérida et pense que Marie Alice pouvait regretter l’occasion d’en observer en ayant raté la visite d’Uxmal. Il est donc impatient de lui dire qu’il y a aussi des iguanes à Mérida ! On dit que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Cette histoire en est la preuve.
Dans la soirée, ceux qui ont un rôle à jouer à l’église ou à la réception sont conviés à une réunion avec Aurélie pour peaufiner tous les détails. Aurélie explique et répète le protocole à tous, prend le temps de demander à chacun si sa mission est bien comprise. Six Sens et les mariés ont pensé à tout. Une bonne répétition permettra que tout se passe comme cela a été programmé, c’est-à-dire à la perfection.
IV
Le samedi 30 novembre 2019, c’est le grand jour ! C’est celui où Stéphie et Olivier s’engageront devant Dieu et devant les hommes à demeurer un couple pour le reste de leur vie et à fonder une famille.
Le cortège féminin a rendez-vous de bonne heure dans la suite de Stéphie et Olivier àRosas y Xocolate. Les hommes se réunissent dans la suite de Ninon et Axel. Le staff de Salon Andy O réussit le tour de force de mettre, sans tension dans l’air, toutes les femmes au top de leur beauté avec maquillages et coiffures. L’opération finit à temps, ce qui permet de prendre ensemble un repas dans la suite.
Il ne reste ensuite qu’à enfiler les robes et à aider la mariée à mettre la sienne. Avant d’enlever leurs déshabillés saumon, les cinq filles d’honneur et la marraine de noces posent pour une photo ensemble sur le lit de la mariée. Elles sont toutes si belles ! Le lit ne résiste pas à l’assaut ! Adieu équilibre de ce meuble dont un des pieds fléchit sous leur poids. Stéphie en est gênée, malheureuse, mais la bonne humeur de ses amies tourne l’incident en blague. On lui assure que Rosas y Xocolate fera de cette histoire un argument de vente : « Rosas y Xocolate, hôtel si romantique, que les mariés, au cours de leurs ébats, brisent les lits en bois solide » !
Le lit ne résiste pas à l’assaut.
La mariée a enfilé sa robe. Elle demande de s’assurer de la présence de la grosse pince qui devra aider à soutenir la traine remontée pendant la réception. Elle avait, au préalable, demandé à sa maman de vérifier que tout était correct. Consciencieusement, j’ai contrôlé le paquet à la livraison ; j’y ai vu robe, voile, boléro, mais je n’ai pas pensé qu’ils pouvaient oublier la pince que le magasin avait promis de placer dans un coin du paquet. Pourtant, aujourd’hui, il est évident que la pince n’est pas là. Ce n’est pas le moment de paniquer, c’est le moment de trouver des solutions. J’ai la brillante idée de m’adresser à Aurélie bien que je sache qu’elle doit, à cet instant, assurer sa présence au four et au moulin. Elle sait de quoi nous parlons et, avec sa grâce habituelle, elle promet d’en apporter une au lieu de la réception. Compliments et mille mercis à Six Sens !
Les plafonds de l’hôtel Rosas y Xocolate sont très hauts ; c’est le style architectural des constructions de la ville. L’accès aux suites se fait par un escalier qui longe le mur placé derrière le bureau de réception. La famille et les amis, qui y logent, se réunissent dans cette belle salle pour attendre la mariée avant de partir pour l’église. L’apparition de Stéphie au haut de cet escalier est fantasmagorique. Élégante, fine, belle, gracieuse, mais imposante, elle descend seule ces marches avec plein d’yeux posés sur elle. La magie de cette scène n’a pas embué que les miens. Le silence du moment a parlé.
C’est son père, Adrien, qui lui prend le bras pour s’installer avec elle dans la voiture qui la conduira à l’Église Tercera Orden.
Moi, je vais dans un des mini bus mis à la disposition du reste du groupe. C’est celui qui transporte Olivier et ses parents. Première situation fâcheuse de ce séjour : alors qu’à 1 :45 pm, il fait chaud à Mérida, le climatiseur de ce mini van ne fonctionne pas. Les hommes veulent ouvrir les fenêtres, mais ils obtempèrent avec galanterie au désir des femmes qui choisissent de transpirer plutôt que d’être décoiffées. Pour comble de malchance, nous expérimentons notre premier embouteillage à Mérida. Le trajet dure donc plus longtemps que prévu. Tout ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort, dit le dicton. Ce groupe a gagné de la force.
Olivier semble être celui le moins enclin à vivre ce contretemps avec le sourire, ce qui ne reflète pas son caractère habituellement facile et accommodant. Dans le véhicule, il ne répond pas à Marie Jo qui dit le trouver anxieux. C’est après le mariage que j’ai appris qu’il avait vraiment un souci. Randolph, son beau-frère, et Christopher, fils de Randolph et filleul d’Olivier, ont décidé d’aller chez le coiffeur juste avant le mariage. Et voilà qu’on ne les voit pas quand tout le monde est prêt. Olivier est terriblement inquiet de leur disparition. À l’Église, Olivier pleure de soulagement quand il voit Christopher passer près de lui au moment de la quête qu’il a effectuée comme prévu. Ils se joignent les poings. Lili del Angel a capté à travers sa lentille ce moment d’émotion. Stéphie questionne ces larmes subites et Olivier lui dit : « Ti Kris avait disparu. Il est là ». Stéphie, peu compatissante, lui répond : « Focus on your wedding”(1). Encuadre Digital a capté à travers sa lentille ce moment d’émotion.
Olivier pleure quand il voit Christopher qu’il croyait perdu. Ils se joignent les poings.
Olivier et Ninon, suivis d’Axel et moi, sont en tête du cortège que Père Paul vient accueillir à l’entrée de l’église. Olivier n’a pas encore vu sa dulcinée habillée en mariée. Stéphie et Olivier ont décidé de ne pas pratiquer la coutume établie de nos jours appelée le « premier regard ». C’est le moment où la mariée parée et merveilleuse se fait voir par son futur époux avec la seule présence de caméras qui doivent capter et immortaliser le regard attendri, ébahi, reconnaissant du mari. En conséquence, Olivier la verra en mariée à l’Église et ses invités seront les témoins de son premier regard émerveillé. Sa mère l’embrassera quand elle arrivera avec lui au pied de l’autel où il se tiendra debout tournant le dos au public, puis il se retournera quand il estimera que la mariée a commencé sa marche sur le tapis rouge.
Défilent Geoffrey et Soraya, Fredo et Adèle, Jean-Marc et Anaïs, Christian et Léonie, Lionel et Victoria, Stanley et Sylvie. Ils sont magnifiques ! Les plus jeunes, Mathias et Andreas, qui portent les anneaux, suivent. Lea et Céline devraient rentrer ensemble en jetant des pétales de fleurs ; néanmoins, pour des raisons que l’on peut comprendre, les fleurs au sol ne sont pas permises à l’Église Tercera Orden. Ce sera quand même joli de voir ces deux petites cousines marcher main dans la main sur le tapis rouge. Toutefois, à 22 mois, Celine affiche déjà son caractère ! Elle refuse la main de Lea qui a 10 ans. Au fond, nous avions tous prévu ce caprice de Celine. Luc Arthur connait un moment de panique et demande ce qu’il convient de faire ! Stéphie ne perd pas le nord. Elle dit à Lea d’aller seule et ordonne aux parents de Celine de la prendre dans les bras pour rentrer avec elle. Bravo Céline! Tu as offert à la jeune Lea son moment, et c’était si beau de voir ta famille entière, Alejandra, Luc Arthur et Celine marcher ensemble !
Et maintenant, c’est le moment où Stéphie, la mariée, entre au bras d’Adrien, son père. Olivier tourne encore le dos à l’assemblée. Il obtempère aux instructions reçues, mais comment peut-il savoir où se trouve la mariée ? Quand elle a déjà atteint le milieu de l’Église, je m’inquiète que ce premier regard soit raté faute d’avoir saisi le moment, et je crie bien fort de mon siège : « Olivier, retourne-toi ! » J’aperçois le soulagement de Stéphie qui attendait ce regard que, finalement, je n’ai pas vu puisque je prêtais alors attention à la mariée. J’ai eu le sentiment réconfortant qu’Olivier était prêt à tout pour rendre sa femme, ma fille, heureuse. Ce n’est pas l’envie qui lui manquait de se retourner, c’était la crainte de déplaire à Stéphie de l’avoir fait trop tôt. Il préférait faire plaisir à sa femme plutôt qu’à lui-même.
L’Église baroque Tercera Orden de Mérida est magnifique. Le tapis rouge déroulé sur son parquet de marbre noir et blanc ressort bien. Ses murs revêtus de doré et pastels sont ornés de vibrantes peintures murales. Des lustres en cristal sont suspendus aux magnifiques et hauts plafonds travaillés. Un spectaculaire dôme muni de points laissant entrer la lumière naturelle s’offre au regard juste avant l’autel principal, lui-même orné richement de détails. L’orchestre philharmonique Grupo Orpheus de Mérida nous ravit de sa musique. Je suis entourée de magnificence et je sens Dieu présent. L’homme capable de produire autant de beauté a vraiment été créé à son image.
Les lectures sont faites par Chloé, nièce d’Olivier, Alejandra, belle-sœur de Stéphie, Tanguy, ami d’Olivier, Joanne, sœur d’Olivier, qui a aussi rédigé la prière universelle qu’elle lit.
Je mets sur le compte de l’émotion déclenchée par la splendeur des lieux et la solennité de la cérémonie toutes les erreurs faites par ceux qui avaient une fonction à remplir à l’église. C’était à se demander s’ils avaient prêté attention à la répétition de la veille. Mathias et Andreas sont des jeunes respectueux et responsables ; ils donnent l’impression de ne pas être conscients que leur mission consiste à remettre les anneaux au prêtre. Ils ne les ont même pas enlevés du coffret pour les lui tendre ! Sylvie et Stanley, deux adultes sérieux et méticuleux, ne savaient que faire du lasso qu’ils ont d’abord simplement posé sur les épaules des mariés. Il a fallu qu’on leur précise de le passer à leur cou. Axel et moi avons présenté aux nouveaux époux une bible et un chapelet et nous leur avons laissé ces deux objets que, bien évidemment, ils ne sauraient garder dans les mains pour le reste de la cérémonie et pour sortir de l’Église ! Fort heureusement, une employée de Six Sens les a récupérés.
La petite Celine s’est endormie pendant la messe. Les parents l’ont mise dans son charriot qu’ils ont placé dans l’allée menant à l’autel de la Vierge. Dans cette position, elle ne dérange personne et les parents peuvent veiller sur elle. Mais arrive le moment où les mariés vont offrir une gerbe de fleurs à l’autel de la Vierge. Ils sont déconcertés de voir leur passage bouché par cette adorable petite fille confortablement partie dans les bras de Morphée, surtout que les parents ne réalisent pas tout de suite qu’il faut la déplacer. Cela ne dure que quelques secondes, mais c’est assez pour dérouter les mariés.
Ceci dit, je revois encore avec émerveillement le nouveau couple radieux et souriant quittant l’église au son de la marche nuptiale de Mendelssohn sous les applaudissements et les bulles de savon lancées par l’audience. Je suis très émue. Garry, qui aime m’appeler « matant » alors que nous sommes presque du même âge, le remarque et il dit tout haut : « Matant, pas kriye. Yap wè sa sou foto yo » (2).
Le nouveau couple radieux et souriant quitte l’église.
Le nouveau couple marchant sur le parvis de l’église, se dirigeant vers la Buick noire de 1938 avec en arrière-plan les balcons de fer forgé accrochés aux murs colorés m’évoque une scène de cinéma. La voiture a été sélectionnée par les mariés pour son look. C’est grâce à Dirk, connaisseur en anciennes voitures, que je peux donner avec précision la marque et l’année de ce véhicule si bien entretenu par le service de location Lolita’s Limousines. L’esthétique du moment n’a pas échappé à cette touriste que nous avons vue à notre arrivée à l’Église prenant des photos. Elle est encore là à la sortie de l’Église. Elle a eu la chance d’être témoin de belles scènes qu’elle a captées et partagera de retour chez elle avec parents et amis.
La voiture des mariés partie, les bus récupèrent tous les invités devant l’Église. Destination : Hacienda Dzibikak pour faire la fête.
V
Réception ! La fête !
Dans le bus qui nous conduit de l’Église Tercera Orden à l’Hacienda Dzibikak, Adrien et moi jouissons de tous les commentaires élogieux qui y sont donnés : on parle de la splendeur de l’Église, du rayonnement de Stéphie, de l’élégance d’Olivier, de la qualité de la musique, des voix des chanteurs, de la richesse du décor, de la beauté des arrangements floraux de l’autel, de la coutume inconnue de la passation du lasso. L’enthousiasme des invités est sincère et cela fait plaisir.
Je suis moi-même ravie de leur faire découvrir dans un instant l’Hacienda Dzibikakoffrant une élégance rustique pleine de charme. Ces domaines construits dans le Yucatan entre les 17e et 19e siècles grâce à la richesse qu’apportait le henequen, ont chacun une architecture et une ambiance distinctes.
Les bus nous déposent au parking de l’Hacienda Dzibikak. On accède à la propriété en passant dans une maison maya. Les Mayas sont de très petite taille. La porte d’entrée de leur maison force plus d’un d’entre nous à baisser l’échine. Je n’y ai pas vu passer Randolph, beau-frère d’Olivier, et Christopher, neveu et filleul d’Olivier, mais ils ont dû, à mon avis, se plier en deux, étant tous les deux très grands de taille. Cela me rappelle l’expérience qu’ils ont vécue chez un tailleur engagé d’urgence à Mérida pour réaliser les ourlets des costumes neufs qu’ils devaient porter pour le mariage ; expérience qui nous avait bien fait rire. En effet, le tailleur en question n’était pas plus haut que trois pommes, disons plutôt trois épis de maïs, puisque nous sommes au Mexique ! En conséquence, le gabarit de ces messieurs était du jamais vu pour lui. Il avait accepté le travail avec enthousiasme, mais avait sollicité la permission de laisser sa famille et ses voisins amis venir voir ces deux géants ! Il avait, de plus, tenu à se faire photographier avec eux. Quel souvenir amusant que la photo de ces deux messieurs encadrant ce tailleur souriant qui leur arrive à la taille !
On arrive au premier des jardins de rêve de l’Hacienda Dzibikak aux pelouses d’un vert éclatant. Sur la gauche, on peut voir encadrée d’une riche verdure, la petite chapelle rose avec son beau portail de bois encadré de blanc. À droite la grande maison semble clôturer la propriété. À l’avant, une verdure luxuriante et un escalier qui mène au bord de la piscine. Un groupe s’installe dans ce coin et y déguste des cocktails locaux, des boissons rafraîchissantes et des hors-d’œuvre.
Il n’est que quatre heures trente de l’après-midi et parents et amis ont le loisir de se promener à leur guise sur les lieux pour découvrir sa beauté sous la lumière du jour. La maison est ouverte et on peut sillonner à sa guise sur sa grande terrasse centrale, son salon, sa salle de jeu, son bar ou sa salle à manger. Sur la table de cette dernière pièce, on trouve des étiquettes à bagages de couleurs pastel. Il y en a une pour chaque invité. Elle indique son nom et le nom de sa table. Au dos de l’étiquette, il y a une pensée gravée en lettres dorées. La mienne dit : « Say “I Do” to New Adventures » (3). Stéphie et Olivier aimant voyager, ils ont donné aux tables les noms de villes qu’ils ont visitées ou où ils rêvent de se rendre. Dans un bel encadrement, on retrouve sur chaque table le nom d’une ville, dans quelle circonstance ils l’ont connue ou ont l’intention de la connaître et un fait amusant y étant relatif. Adrien et moi sommes à la table Miami, ville dont le fait amusant est qu’elle a le plus grand port au monde pour bateaux de croisière. Il est si intéressant de voir ces villes au travers des yeux de Stéphie et Olivier : Furcy, Key West, Miami, Washington DC, New York, Kawaï, Honolulu, Mérida, Tulum, Antigua, Amazon, Patagonia, Barcelona, Kranjska Gora, Stockholm, Reykjavik, Hanoi, Ho Chi Minh, Bali. Je souhaite que vous ayez la curiosité de regarder le tableau annexé à cette chronique dans lequel figure le texte de chacune des pancartes d’identification de table.
Des batuqueiros habillés de blanc viennent nous chercher avec leurs instruments à percussion. Nous les suivons pour passer de l’autre côté de la maison placée au centre de cette immense propriété. Le rythme de la batucada en fait danser plus d’un. Je vois Michel se dandiner en battant la mesure sous le regard amusé et admiratif de sa femme Nathalie ; Max danse aux côtés de son épouse Gigi, Jocelyne et Anouk, les cousines d’Aruba, montrent que le son du tambour les touche, ma sœur Dominique se balance et Gérald indique comme il aime ce rythme. La bonne humeur est générale.
On arrive devant une spectaculaire tente au toit très haut composé de bandes blanches et transparentes, garni de guirlandes d’ampoules et duquel descendent des lustres de cristal. Un arbre sensationnel recouvert de lumières sert de toile de fond.Une balançoire est accrochée à l’une de ses robustes branches. L’endroit est magique. Le verger illuminé derrière l’arbre est romantique. Tout le monde est ébloui par ce décor de rêve. Les tables de formes différentes sont chics, parées de bouquets de fleurs et de beaux couverts. Les chaises rembourrées sont belles et confortables. Le plancher est blanc et la piste de danse ressort avec ses dessins mexicains colorés. Une imposante table en bois propose un assortiment de fromages, biscuits et pains arrangés avec art. Nous découvrons également le gâteau de trois étages, décoré de fleurs naturelles, placé sur une table en verre pourvue d’un spectaculaire pied en racine d’arbre déployé dans toute sa splendeur. Je pense à mon grand-père haïtien qui faisait des meubles avec des racines d’arbres.
Spectaculaire tente dressée pour la réception.
Deux drapeaux sont hissés sur le mât placé au centre du toit de la maison principale : celui du Mexique et celui d’Haïti.
Les tables pour le buffet longent le côté gauche de la tente. Du côté droit, il y a une grande et belle salle aux murs peints à l’éponge. C’est aussi de ce côté que se trouvent les toilettes. Même celles-ci suscitent l’admiration. Tahira n’a pas manqué de me le dire quand je l’y ai rencontrée : les meubles de bois, les fleurs, les couleurs ne peuvent laisser indifférent. Quant à la balançoire, elle n’a cessé d’ouvrir ses bras pour accueillir des invités qui voulaient goûter sa douceur et sa sérénité sans omettre de s’y faire photographier.
Quand chacun a trouvé sa place et s’est installé, on annonce l’arrivée du cortège nuptial qui défile sur la passerelle reliant la maison principale à la tente au son de la musique « Feeling Good » de Michael Bublé:
And this old world is a new world
and a bold world
For me
For me
Stars when you shine
You know how I feel (4)
Michael Bublé
C’est prodigieux de voir Stéphie et Olivier arriver dans ce cadre magnifique, au milieu de pluies d’étoiles scintillantes ! Ils sont beaux et élégants. Ils ont l’air heureux ! C’est un vrai moment d’extase.
Stéphie ne porte plus son boléro de tulle aux appliques de dentelles destinées à cacher à l’Église le grand décolleté de la robe. La robe blanche moulante de tissu perlé a une ouverture bordée de brillants qui descend devant jusqu’à la taille. Les brillants forment une ceinture et le dos découvert laisse passer de fines bretelles de brillant qui rejoignent la ceinture descendant en V par-derrière. Elle porte vraiment bien cette superbe robe à longue traine dans laquelle elle parait tout à fait confortable.
C’est à Adrien d’ouvrir la soirée avec un discours dans lequel il souhaite la bienvenue et remercie tous ceux qui sont présents. Il est content d’accueillir Olivier comme fils, parle du caractère perfectionniste de Stéphie et de son grand cœur. « What a wonderful world » de Louis Armstrong est la musique qu’il a choisie pour danser avec sa fille.
Stéphie et Adrien dansent “What a wonderful world” de Louis Armstrong.
Quand Gina et son orchestre charment l’assemblée avec son répertoire de jazz, les mariés passent de table en table pour saluer leurs invités. Ils sont souriants et visiblement heureux.
Le discours du parrain de noces, Stanley, frère d’Olivier, fait ressentir la complicité qui existe entre eux. Celui de Sylvie, marraine de noces et marraine de Stéphie, dénote combien cette grande sœur, de dix ans l’aînée de Stéphie, s’est toujours souciée de son bien-être et a toujours été prête à la guider. On a tous eu l’épatante surprise de voir Olivier se faire accompagner à la guitare par son cousin Michael Benjamin, pour chanter une musique composée par lui pour sa femme, après l’avoir lue comme un poème. Michael Benjamin nous a ensuite gratifiés de sa belle musique « Ayiti se».
Ninon, la maman d’Olivier, m’a fait savoir, dès ma première rencontre avec elle, qu’elle était d’une grande timidité. Grand a donc été mon étonnement de la voir prendre son microphone pour expliquer le choix de la musique qu’elle dansera avec son fils en ce grand jour : « Moun damou pa kité”(5) des Shleu-Shleu. Elle aimait danser cette musique avec son mari Axel et trouve les paroles appropriées à la circonstance : les amoureux ne se quittent pas. C’est un classique du répertoire haïtien et le public fut ravi de chanter pendant que mère et fils dansaient ensemble.
Les mariés ont aussi puisé dans le répertoire haïtien pour leur première danse : « Lajan séré » de Klass :
Cheri w sé tout sa m tap chèche
Tout Sa m te manke
Yon Priyè ki egzose.
Ou tankou yon lajan sere
Ke m te fin bliye…….(5).
Klass
La nourriture préparée par Margarita Zoreda dépasse les expectatives. Le bœuf est fondant, les écrevisses pleines de saveurs, tout est un régal pour les palais, même les plus connaisseurs. Le vin et le champagne coulent à flots. Le service est impeccable. Les serveurs debout ne dépassent pas en taille les invités assis ! À peine peut-on les voir quand ils amènent un verre à table, enlèvent un couvert, et fournissent leurs services avec efficacité. Cela inspire aux amis d’Adrien des taquineries : « Pour le mariage de sa fille, Adrien s’est assuré de trouver un endroit où personne ne serait plus grand de taille que lui » !
Il arrive l’heure de respecter une tradition de la famille Wagner : la passation de la clef. Au mariage de Mirabel et Ludovic, le 27 mai 2011, ma sœur Pascale a remis au couple la grosse clef de la maison de famille dans laquelle ont grandi les cinq sœurs Wagner avec l’entente que cette clef serait dorénavant passée à chaque mariage d’un descendant de Gladys et Wolfgang Wagner, mes parents. Une clef est symbole de beaucoup de choses, entre autres, d’ouverture, de connaissance, de liberté. Puisqu’elle permet aussi de fermer, elle peut également symboliser l’intimité et la sécurité. C’est un bel outil à offrir à des mariés. Les derniers des descendants Wagner à convoler en justes noces sont ceux qui normalement remettent la clef au nouveau couple avec le registre de passation de clef. Le dernier mariage de la famille a été celui d’Emiko et Alex à Québec. Un évènement heureux, l’arrivée de leur fille Ève, le 2 octobre, les a empêchés d’être avec nous ce soir. Cloé et Geoffrey, les mariés précédents, remettent donc la fameuse clef ce soir. C’est la huitième fois qu’elle change de foyer ; elle a fait du pays.
DJ Rocco, ami d’Olivier, est venu d’Haïti. Penché sur sa console, il sait sélectionner les musiques qui font danser le public en majorité de souche haïtienne. Tanguy et sa femme Maria, amis d’Olivier, nous font un véritable show. Olivier nous apprend que Tanguy est professeur de danse à Vancouver. Il est donc hors concours, mais c’est super qu’il invite les plus timides à le rejoindre sur la piste.
Connaissez-vous la “hora loca » des mariages en Amérique latine? Quand l’heure avance, que les gens pourraient commencer à se fatiguer – ce n’était pas le cas à celui-ci – on les remet dans l’ambiance en introduisant la “hora loca », l’heure folle. Elle peut se présenter sous plusieurs facettes. Au mariage de Stéphie et Olivier, des dames sur jambes de bois sont arrivées au son d’une musique excitante et ont distribué des chapeaux de paille aux hommes et des sandales aux femmes. Celles-ci étaient soulagées d’enlever leurs chaussures à talon pour danser dans le confort de douces savates de tissu matelassé brodées S&O (pour Stéphie et Olivier). L’ambiance se déchaîne. Axel ne se retient pas. Il réclame un tabouret sur lequel il monte pour se mettre à la hauteur d’une des dames aux échasses et danse avec elle de tout cœur. Sofia, éclatante de beauté dans sa robe jaune, s’amuse. Son mari Julio, dentiste, laisse tomber sa réserve habituelle et, tout souriant, lance à Stephie de temps à autre : « Aujourd’hui, je suis plus heureux que toi ! » Alejandra et Luc Arthur dansent, leur petite Celine est allée dormir sous la surveillance d’un baby-sitter. Françoise, Maryse, Florence, les trois cousines inséparables s’amusent. L’heure est vraiment folle! Tout le monde se laisse entrainer dans ce tourbillon de gaité.
Les mariés montent sur des tabourets, se tiennent les mains et invitent les femmes célibataires à passer en farandole sous cette arche qu’ils forment avant que Stéphie ne lance sa gerbe de mariée. Un, deux, trois, c’est parti ! Et c’est Tahira qui l’attrape. On lui souhaite beaucoup de bonheur. Ce soir, le marié n’ira pas chercher la jarretelle de son épouse. Il sera responsable du train de la Tequila. Au son de la musique « Pasame la bottela », les hommes passent devant lui qui se trouve perché sur son tabouret. La tête penchée en arrière, ils ouvrent la bouche pour s’y faire verser de la Tequila directement de la bouteille. Il y a des hommes qui hésitent à rentrer dans la ronde, mais il y en a qui foncent : Axel, Tanguy, Stanley, Geoffrey, Ludovic, Carlos Adrien, Herbert, Adrien, Jaïr, Luc Arthur, Jean-Philippe, Julio, Fredo…. Attention, problème ! Voilà Mathias et Andreas présents devant le marié qui panique. Que faire ? « Juste une goutte »disent Sylvie et Herbert. Olivier hésite à faire le geste malgré cette autorisation reçue devant témoins. Il y va tout doucement. Avancez ! Avancez ! N’arrêtez pas ce train ! Jean-Marc, Joël, Tanguy, Axel, Lionel ne peuvent pas attendre… Ariann serait-elle la plus brave des femmes ? On la voit se glisser dans le train pour recevoir sa ration… Les autres femmes ne suivent pas. On voit encore des hommes après elle : Herbert, Luc Arthur, Tanguy, Lionel… Mais il y en a qu’on a déjà vus ! Sylvie prend le micro et encourage : « On nous a dit que le record atteint dans un mariage, c’est quatre bouteilles. Allez, nous pouvons battre cela!»… Ce sont toujours les hommes qui embarquent dans le train… Une autre femme brave : Anouk ! Encore des hommes, puis Sacha se présente ! Randolph, Fredo, Ludo, Carlos Adrien, Adrien, Christopher, le train va bon train ! Voilà que la mariée le prend. Elle a droit à un traitement spécial : un baiser en plus de la Tequila. C’est, semble-t-il, ce que les femmes attendaient pour se lancer : Tahira, Anaïs, encore Anouk, Maria, Naika, Chloé, Nathalie… Gaëlle danse pour mériter sa portion, c’est sympa ! Émilie, Sylvie, Xavière, Jacquemine, Pascale…. Vadim, Tahira, Ronald, Maria… Certains passent et repassent ! Une chose est sûre, wagons du train ou spectateurs s’amusent follement de ce programme !
La mariée a pris le train de la tequila.
Olivier, descendu de son tabouret, se laisse entrainer dans une danse extravagante avec son frère Stanley et ses cousins, Fredo, Ti Lionel, Michael et son ami Christian. Le temps est vraiment au plaisir !
Les mordus de sucreries ont pu se régaler toute la soirée de beaux et bons chocolats et biscuits sucrés placés sur la table du gâteau. Ils ont aimé l’arrivée des charriots de vendeurs de marquesitas. Ce sont des crêpes fines garnies de Nutella, de confitures et fromage, ou de sucre, vendues dans les rues de Mérida. Olivier en raffole et il a voulu les faire découvrir à ses parents et amis à son mariage. Elles ont été bien appréciées.
Un départ en bus est programmé toutes les demi-heures pour ceux qui veulent rentrer à leur hôtel. Les gens ne commencent à s’en aller en petit groupe qu’à partir de dix heures du soir. Adrien et moi prenons le bus de minuit. On peut sentir la fatigue et les effets de l’alcool à bord de ce véhicule. Ralph se rappelle comme la fête a été belle et entonne avec fermeté « Il était un petit navire, qui n’avait ja ja jamais navigué… ». Tout le monde suit. Ambiance enfantine dans ce bus où l’on chante à tue-tête. Cela fait passer l’heure plus vite. Sur ce trajet, les gens s’étonnent de la proximité de Mérida.
Les mariés et les plus jeunes ont poursuivi la fête jusqu’à deux heures du matin. Il faut l’énergie de la jeunesse pour arriver à pareille performance. À une heure du matin, on leur a proposé un service de sandwiches de viande de porc. Cela a sans doute ajouté à leur endurance.
Stéphie et Olivier disent que leur mariage est un rêve réalisé et vécu. En tant que mère, je leur dis qu’il faut toujours se préparer si on veut réussir; c’est vrai pour un examen, une interview, un travail, et, oui, pour la vie aussi. Cette célébration de mariage fut réussie parce que leur couple l’avait préparée. Mais ils doivent aussi reconnaître que la contribution des invités présents ayant amené avec eux bonne humeur, enthousiasme et chaleur humaine constitue une grosse part du gâteau. Ils ont rendu la fête extraordinaire !
VI
Le brunch offert à l’hôtel Rosas y Xocolate le dimanche 1er décembre, à 11 heures du matin, est l’occasion de réunir une dernière fois à Mérida les parents et amis qui ont fait le déplacement. Dommage que certains prennent l’avion ou la route le jour même et ne peuvent être avec nous.
L’hôtel entier nous est réservé pour l’occasion et on est content de se retrouver dans ce cadre convivial où un groupe musical participe à l’ambiance. On parle bien sûr du mariage de la veille, de la sympathique ville de Mérida où chacun se promet de revenir un de ces jours, même si on sait au fond que ce ne sont que vœux pieux. On déguste de la nourriture typique du Yucatan, accompagnée de mimosas rafraichissants et de café pour bien se réveiller. On applaudit l’arrivée de Monsieur et Madame Olivier Dupoux. Quel bon moment de dolce vita ! Adèle et Vadim ont fait ce voyage avec leur petit Tobias qui n’a que six semaines et est encore nourri au sein de sa mère. Quelle meilleure preuve d’amitié pourrait donner Adèle à son amie Stéphie ?
Quand il ne reste plus grand monde, nous nous asseyons sur la terrasse qui donne sur le Paseo de Montejo qui, le dimanche, se transforme en rue piétonne pendant la journée. Nous regardons les passants, les carrosses dans lesquels certains d’entre nous partent en promenade. Avec mes enfants et petits-enfants, nous faisons une belle balade à pied.
Monsieur et Madame Olivier Dupoux sont unis pour la vie. Nous avons fêté cette union en grande pompe. Nous espérons que Dieu, qu’ils ont accueilli dans leur vie, leur donne santé, bonheur et longévité.
Stéphie est ma benjamine ; le dernier enfant d’une famille clôt les chapitres de la vie de ses parents. À Mérida, le chapitre du mariage de mes enfants s’est fermé. Ceci a déclenché en moi de fortes émotions, si bien que je pensais ne m’être pas amusée au mariage. Ce n’est heureusement pas ce que montrent les vidéos prises sur le vif par Encuadre Digital dans lesquelles on peut me voir danser et avoir du plaisir. Il est juste que je me réjouisse des nouveaux chapitres qui s’ouvrent dans ma vie. Je veux maintenant vivre avec Adrien le chapitre déjà commencé de l’arrivée et de l’évolution des petits enfants. Sa première partie avec nos jumeaux Mathias et Andreas et la petite Celine est tellement merveilleuse ! Il continuera, nous l’espérons, avec l’arrivée d’autres petits-enfants.
(1) Matant, pa kriye. Yap wè sa sou foto yo : Ne pleure pas, ma tante. Cela se verra sur les photos.
(2) Say “I Do” to New Adventures : Dites « Oui » aux nouvelles aventures.
(3) And this old world is a new world : Et ce vieux monde est un monde nouveau
And a bold world Et un monde intrépide
For me Pour moi
For me Pour moi
Stars when you shine Étoiles, lorsque vous brillez
You know how I feel » Vous savez comment je me sens
(4) Moun damou pa kité : les amoureux ne se séparent pas.
(5) Lajan sere Argent sérré
« Cheri ou se tout sa m tap chèche. Chéri, tu es tout ce que je cherchais
Tout sa m te manke Tout ce qui me manquait
Yon Priyè ki egzose. Tu es une prière exaucée.
Ou tankou yon lajan sere. Tu es comme un argent sérré
In October 2019, I dared putting my name in the hat at The Moth in Miami (www.themoth.org). The theme was : spooky. I enjoyed hearing stories from talented storytellers. I hereby share with you the one I told. Practice makes perfect. I wish I keep participating in this great activity, becoming better and better.
“The All Appliances Store” at Port-au-Prince
invites you to
the unveiling of the first escalator of Haiti
on Friday, June 21, 1996 at 5:00 pm.
Cocktail attire.
RSVP: 225-1996
When Elisabeth’s friend told her about this exciting invitation, she had no doubt that she would also receive one. She surely did not want to miss the unveiling of the first escalator in her country! She became thrilled remembering that her and Jeff Lafleur, one of the owners of “the All Appliances Store”, attended the same college in the United States. He would certainly not forget to put her on the guest list. Gossip travels fast in small countries, and Jeff probably knew that she admired his hardworking family who invested heavily in their poor, unstable, and risky economy. They were the ones who introduced modern appliances in the Haitian households: refrigerators, microwaves, washing machines, electric irons, and more. She thought they were visionaries and respected their success.
Two weeks before the event, no invitation had reached Elisabeth. She dared calling Jeff despite the fact that it had been years since she had her last conversation with him. She couldn’t resist telling him how honored she would be to be present for this upcoming important gathering that his family was hosting. Flattered by Elisabeth’s uplifting words on the achievements of the Lafleurs, Jeff acted as if Elisabeth’s envelope had been sitting on his desk, waiting for a confirmation of the recipient’s address. After the call, he promptly assigned one of the drivers the task to hand deliver Elisabeth’s envelope. On the printed card, he wrote a personal note: “So glad you can make it”. That would compensate for the late delivery of this invite.
Once Elisabeth had the assurance to be part of the headcount, she would start planning her outing. How should she dress? In June, it is still daytime at 5 pm. A nice skirt suit should be perfect. Does she have one that fits? Elisabeth would not want it to be black. Black looked too serious, too professional, and rigid and it was not really cocktail attire. A nice tender color would do better. She remembers a pretty baby blue skirt and jacket purchased about a year ago, that she wore only once. With a white shirt, a golden breast pin, a pair of classic black patent leather pumps, she should be fine.
She wisely made arrangements to carpool with two friends. With the insecurity prevailing in the streets, it was safer not to be alone in a car. In addition, an article of the local press about this event released that there would be 500 guests. Parking would be an issue, and it would help to have to find a place for only one car.
At their arrival, they are welcomed by a rum punch and excellent Haitian delicacies: “acras” (1), fried plantains, fried breadfruits, crispy peanuts, delicious griot (2). The store is clean, spotless, well decorated, and chairs are placed facing the majestic shining escalator showing a red and blue ribbon ready to be cut. An orchestra is playing some background music. The crowd gets bigger and bigger. Everyone is smiling, mingling, happy to see each other, conversing admiringly about the Lafleur family.
A host announces the beginning of the ceremony with a procession marching towards the podium located by the stairs. The parade is headed by the members of the board of directors of the family venture “The All Appliances Store”. They are followed by the mayor of the city of Port-au-Prince, two deputies, two senators, the legal counsel of the company, their banker, and a priest. Once installed on the stand, there are speeches, all of them panegyrics of the Lafleur family. And finally, the priest is asked to bless “the wonder”.
This is the moment that has to be perfect! It has been planned, programmed, rehearsed, and repeated numerous times. Four actions have to elegantly synchronize: the priest says his last “Amen”, the mayor cuts the ribbon with a pair of golden scissors handed on a lace pillow, the orchestra starts with the joyous notes of the Fifth Symphony of Beethoven, and a designated employee turns on the button of the escalator. It has to be theatrical and memorable:
Amen – ribbon cut- Music – escalator starts!
Practice makes perfect. It is therefore not a surprise that everything works out fine! It is such a magic moment that it takes the crowd a couple of seconds to realize that the bending priest going up the stairs progressively leaning forward is not part of the show! His black cassock has been caught between two stairs of the escalator and he is scared to be swallowed by them.
– Scissors! Yells the President of “The All Appliances Store”!
This exclamation is an eye opener and the seconds that follow are long…. There should be a pair of scissors handy as one was just used to cut the ribbon. Thank God! They are quickly handed to the President of “The All Appliances Store” who rushes up the stairs. To carry out her operation, she can’t hold the handrails. She lacks balance on these moving stairs where she manages to face the priest with threatening scissors that she promptly uses to generously cut the priest’s cassock and set him free. Annoyed by this large piece of fabric holding its sophisticated mechanism, the escalator loudly starts shaking. It then stops completely with a not so reassuring smell of burning. Now at the top of the escalator, liberating scissors in hand, the President of “The All Appliances Store” bears a wide satisfied smile: the priest is no longer held captive but he is sweating with a totally drawn face.
His impeccable, chic black perfectly ironed cassock that walked on the red carpet is now missing a quarter of it, from the front waist to the floor. It sadly reveals a worn-out pair of pants poorly mended in several places and held at the waist with a very old belt. This is an unwanted reminder of the humble daily life of this priest dignified for the occasion.
A wave of sadness went through the assembly.
The “All Appliance Store” had taken all steps to have this escalator never stop rolling once it was turned on. They had worked on a contingency plan with a focus on reliable continuous electricity with a generator and a backup one. They were selling electrical appliances in a country where most of the time a power outage is what turned them off. They concentrated their planning of this nice event on having these stairs on, surely not off. This explains why scissors came to their mind when a disappointing, unfortunate, unexpected incident happened during their well-rounded ceremony. “Turn it off” was not in the plan.
Would Elisabeth ever have enough time to achieve all she had to do?
In her beautiful country of Haiti, she had a job, a home, and a healthy family. One would think that this leads to a happy, peaceful existence. However, that was far from reality.
For many reasons, life in a third world country is slower and longer.
One of them being that what’s considered to be normal in Haiti is not elsewhere. To be half an hour to a whole hour late for an appointment or meeting is totally acceptable there. Elisabeth though, found punctuality to be an admirable quality, which differentiated her from the people she was meeting and brought her unimaginable frustrations. She worked hard on estimating as precisely as she could the time she needed to commute to her meetings. She also took into account inevitable traffic jams, possible police controls, and crowds of pedestrians that might be blocking the streets. Overall, her personal statistics indicated that in Port-au-Prince or Pétion-Ville, the speed of a vehicle during the day was not more than six kilometers an hour. This being established, for an encounter of one hour, she needed to take out three hours of her day: one hour for the meeting and two for the commute, which would generally be short distances. Walking would have been faster, but the prevailing insecurity in the country made it imprudent.
Unfortunately, Elisabeth’s intricate planning did not take into account the unproductive time she would often have to spend waiting for her tardy interlocutor, who never apologize for being late. Elisabeth knew her friends and acquaintances to generally be polite so she could only explain and pardon their rude behavior by the modern world. Nowadays people are short of excuses for being late, as they can no longer pretend their watches suddenly stopped working. Time is now available everywhere: it shows on cell phones that nearly everyone owns, it is broadcasted at regular intervals on radio stations that everyone listens to in the car, and they can also see it on the dashboard of their vehicles. Elisabeth thought it was a shame that no one longer needed to gently address a passerby to ask for “an hour as a gift” (1).
All in all, the hellish traffic on the streets of Port-au-Prince and Pétion-Ville was what made Elisabeth feel a little better about the many latecomers. Anyone would need strong nerves to survive the horns, pedestrians, and unruly tap-tap drivers (2) who would stop and go without any signal just to pick up one passenger or to drop off another. Not to mention, the motorcyclists passing right and left without warning, or that casually swerve on the sidewalks when the streets are overcrowded. All this can quickly make any driver clench their teeth, removing any hint of good humor and banishing the possibility of showing up on time.
At the end of a soccer game, extra time is given to make up for time lost during the match. It seemed to function the same way for Elisabeth at her office. She often had to work late to catch up on her paperwork which she could not address while losing time in traffic or waiting for a tardy interlocutor. Thus, it was common for her to be exhausted when she returned home in the evening. Thank God, she had the precious help of Marie! Marie cleaned the house in her absence, prepared and served dinner for the family, and did the dishes. Marie was the reason Elisabeth could sit down at the dining room table to work on her personal small business of cosmetics which she was managing from home. Yet, Elisabeth couldn’t help to pay attention to the sound of the water flowing from the sink faucet which would prompt her to shout a few times, “Marie, lower the water pressure please! Water trucks are expensive.”
It was time-consuming for a working person to pay attention to the many necessary details that government services should normally provide. If you lived in Haiti, you had to think about adding distilled water in the inverter batteries, checking the level of fuel in the generator, leaving the checks at home to pay for garbage collection or delivery of water, taking empty gallons of drinking water to have them filled and making sure the propane gas tank was full, all to avoid the unpleasant surprise of not being able to brew coffee upon waking up in the morning. And that’s just the short list. It was important to not forget to pay the electricity subscription on time—even though the invoices were not delivered and the city only supplied electricity a few hours a day. EDH (3) was quick to disconnect its subscribers for a few days of late payment and slow to reconnect after the account had been updated.
Although Elisabeth’s small cosmetic business was often time-consuming, she welcomed the additional income it provided. The money she earned from it was used to finance the annual vacation with her family. Elisabeth and her husband always visited developed countries in order to let their children discover little pleasures as simple as walking in a park or going to the movie theater—things they could not do at home. Caribbean resorts were of no interest to them; they had seen enough coconut trees, had had enough sun, and had suffered too much from the heat! They wanted to see conifers, feel a little cool and have to cover themselves. A real change in horizon was what they wanted for their annual vacation.
She and her family had visited New York, Montreal, Paris, Rome, and other big cities. She always came back enchanted by her travels and, as soon as she returned home, she started dreaming about her next vacation that she started to plan right away. She often thought that life was too short and would not allow her to carry out all her projects and follow all her dreams.
But then she thought that only the blessed and privileged could think that life is too short. It was Black Alex(4) who made her understand this sad reality with his hit song delivered with his powerful and piercing voice sang from the guts:
Lavi a long, li long, li long
Pa gen tankou’l
Ou pralé wap kité’l la
Sa fè’m mal oh (5)
Black Alex was only 26 years old when he uttered this cry of pain in 2002, despite the great talent he had received from God. His voice made him famous, but did not bring him happiness: “Lavi a long, li long, li long”(5). Black Alex died in 2015 at the age of 39. His life was short, but he sang it long.
Elisabeth was now older than 39 and decided she would never complain that life is too short. She would rather say that she was happy to be among the blessed who found their lives short because they had dreams, plans, a decent life, and no time to kill. And during her busy days, this prayer often came to her mind: “God, please grant to all my compatriots the happiness of a long life which they end up finding too short.”
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(1) In Haiti, before time was available everywhere we frequently used the Creole formula “fè’m kado on ti lè” to ask a passerby for the time. Translation: “As a gift, let me know what time it is.”
(2) Tap-taps: very colorful public transport vehicles. They have no stopping points, and their name come from the fact that the passenger taps on the vehicle body to indicate to the driver that he has arrived at his destination.
(3) Ed’H: Electricité d’Haiti, Electricity of Haiti, state power and light company.
(4) Black Alex (1976-2015) : Haitian Rap and Ragga artist from group King Posse