Après le festin d’hier, nous pourrions nous contenter aujourd’hui d’un petit déjeuner très simple à l’Hôtel Hvala: un café chaud accompagné de deux tranches de pain nous suffirait. Mais Luc Arthur nous appelle pour nous indiquer qu’à Hiša Franco, une table de dix couverts est dressée pour nous ce matin-là ; en effet, le personnel de l’Hôtel l’a salué en lui disant qu’il était prêt à accueillir le reste du groupe. Il nous demande donc de venir le rejoindre. Ce serait embarrassant que nous ne nous présentions pas.
Alors nous voilà une fois encore à Hiša Franco où nous sommes servis par une charmante adolescente (cela existe !) qui nous dit être la fille de Ana Ros et Valter Kramar. Quel honneur ! Confitures, pains et fromages de la maison font nos délices. Nous les dégustons dans la bonne humeur, pour prendre ensuite la route et nous rendre au pique-nique auquel les futurs mariés, Cloé et Geoffrey, nous ont invités.
De midi à huit heures du soir, nous sommes attendus à Kekceva Domacija Lodoca Mitja S.P., Trenta 76, 5232 Soca, Gorska Koca, Slovénie. Il nous est impossible de retenir les noms slovènes, celui-là inclus. Chacun en est imbu. La preuve est que nous avons tous enregistré avec précision dans le média le plus facile à consulter les endroits auxquels nous devons nous rendre…
Le GPS nous dit qu’il nous faut parcourir 48 kms de Kobarid au lieu du pique-nique et estime la durée du trajet à une heure. Le Ramada Resort à Kranjska Gora, où les invités du mariage vont loger, se situe au nord du lieu du pique-nique, presque au point de jonction de la frontière autrichienne et italienne. Le trajet de Kobarid à cet endroit représente 67 kms que l’on peut parcourir en une heure vingt. Le lieu du pique-nique se trouve donc entre les deux. Malgré tout, la majorité de notre groupe veut aller déposer ses bagages à l’hôtel avant de se rendre à Kekceva Domacija Lodoca Mitja S.P. Luc Arthur, un des chauffeurs, essaie en vain de raisonner le groupe : il estime inutile de parcourir ce chemin en plus, mais il ne sort pas gagnant.
Nous finissons par prendre la route et jouissons des merveilleux paysages slovènes… Le pays est vert, les montagnes sont spectaculaires et la nature est majestueuse. Nous longeons la rivière Soca (enfin un nom facile à retenir !) qui offre à nos yeux une eau limpide et transparente permettant de voir tous les cailloux au fond de son lit ; elle donne envie de se pencher au bord de ses rives pour boire sa belle eau. La route ne fatigue pas Alejandra et j’en suis ravie. Quand arrive le moment de l’enregistrement à l’hôtel, nous ne voyons pas de visages connus. On nous informe que deux bus ont emmené le conséquent groupe d’invités au pique-nique. Nous déposons rapidement les bagages dans les chambres pour reprendre la route.
Je crois fermement que tout arrive pour une raison déterminée. De fait, avant de quitter l’hôtel, nous avons tous le réflexe de nous brancher sur le WiFi pour vérifier nos téléphones. Le mien affiche un message de Stephie m’avisant qu’un de ses vols a été annulé. Je me faisais une fête de voir ma Stephinette au pique-nique et elle n’y sera pas. C’est pour moi une déception. Elle travaille très dur et de longues heures dans son programme de résidence au Nicklaus Children Hospital de Miami pour obtenir son diplôme de spécialisation en art dentaire pédiatrique. Elle est retenue à Madrid et arrivera tard dans la soirée à Venise. De là, me dit-elle, elle louera une voiture pour se rendre à Granjska Gora. Demain, elle pourra ainsi assister au mariage. Je ne suis pas satisfaite de cette solution que je trouve risquée vu l’état de fatigue dans lequel elle doit être. J’en parle à mon groupe. On discute de toutes les options possibles. Tergiversations, impatience parfois… Je suis déçue qu’elle ait fait ce long trajet pour finalement peut-être ne pas atteindre son but : assister au mariage. Ce serait ridicule qu’elle passe deux nuits seule à Venise où nous devons nous rendre le dimanche alors qu’elle-même devra en partir le lundi. Nous discutons, chacun intervient, chacun expose son idée, chacun propose quelque chose. Sylvie n’arrête pas de consulter Google, y trouve des options, mais il y a toujours un obstacle au dernier moment… le préavis est court. Maria dit qu’elle a entendu parler de goopti.com, une compagnie qui peut offrir de conduire un passager en voiture de l’aéroport de Venise à Granjska Gora. Nous essayons et, pour un montant de 365 euros, Goopti peut accueillir Stéphie à l’aéroport de Venise pour l’amener à Granjska Gora. La réservation est aussitôt faite ! Quel soulagement ! Vive goopti.com !
Nous pouvons maintenant prendre la route à destination de Kekceva Domacija Lo Duca Mitja S.P. Des routes sinueuses nous permettent d’escalader des montagnes abruptes. Je suis impressionnée d’y voir des cyclistes en nombre. Il faut avoir la forme et beaucoup de souffle pour arriver à monter ces pentes ardues à bicyclette. En route, nous nous demandons pourquoi les mariés ont choisi de recevoir leurs invités aussi loin et dans un coin difficile d’accès. Mais, arrivés sur les lieux, nous constatons la beauté éclatante du site ! Une superbe et gigantesque pelouse verte, vallonnée, sur laquelle sont plantées deux jolies cabanes entourées de montagnes géantes et spectaculaires. Une vue à vous couper le souffle ! Et quel bonheur d’arriver aussi loin et d’y retrouver une centaine de gens que l’on aime !
L’accueil chaleureux de Cloé, si jolie avec sa couronne de fleurs sur la tête et sa ravissante robe longue fleurie nous fait chaud au cœur. Geoffrey est tout aussi content de nous souhaiter la bienvenue. Commence alors le cercle des franches accolades qui n’en finit pas : bises chaleureuses et émues à mes sœurs, Pia, Dominique, Pascale et Catherine, aux membres de leurs familles, mes neveux et nièces, à mes amis, aux enfants de mes amis ! C’est la fête ! Une fête extraordinaire dans un lieu magique et féérique ! Il y a de la musique, un orchestre de chambre qui charme le public. La famille de Geoffrey est tout aussi accueillante. Geoffrey a trois sœurs et est le seul fils de Stéphane et Tony. J’aime l’image que projettent les trois sœurs : belles avec une aura de femmes accomplies, distinguées et bien éduquées, ayant à leurs côtés des conjoints dignes d’elles. Que c’est agréable et merveilleux d’être entouré de visages rayonnants, visiblement contents d’avoir fait ce grand déplacement pour être aux côtés du nouveau couple qui se forme et que nous aimons !
Notre groupe est arrivé en retard ; nous nous en excusons, mais on nous remercie d’être là, présents. On nous invite à nous servir. Des cuisiniers autour d’un BBQ placé dans ce merveilleux parc n’arrêtent pas, toute l’après-midi, de griller des viandes offertes aux invités. Sur une table, on se sert seul de légumes et d’accompagnements pour les viandes. Vin, champagne et bière coulent à flot. Le bar est bien garni. Que demander de plus ? Amour, bonne humeur, famille, amis, nourriture, boissons, cadre idyllique, température parfaite, soleil, musique, tout y est ! Je crois rêver !
Les cinq sœurs Wagner vivent en des endroits différents du monde : Québec, Canada -Doral, Floride, EU – Port-au-Prince, Haïti – Guatemala City, Guatemala – Munich, Allemagne. Au début de ce mois, nous étions toutes réunies en Haïti pour célébrer la vie de notre père, Wolfgang Wagner. C’est une formule élégante que l’on utilise de nos jours. Elle n’enlève pas le chagrin de se séparer à jamais d’un être cher, mais elle donne malgré tout une touche festive à l’occasion. On pleure moins puisqu’on célèbre la vie. On se rappelle des bons moments, on échange des anecdotes, cela aide. Mon père fut un grand amoureux de sa femme, ma tendre mère Gladys. On ne choisit pas la date de son décès, mais certaines dates sont plus marquantes que d’autres. Mon père est mort le 25 juin 2017, jour de la fête des Pères et date de naissance de ma mère, à peine un mois avant le mariage de Cloé et Geoffrey auxquelles les cinq filles voulaient assister en Slovénie. Nous étions toutes préoccupées de laisser notre papa vieillissant avec une santé chancelante, sans membre de la famille autour de lui en Haïti. Le jour de la fête des Pères, il est parti doucement, comme pour nous enlever ce souci que nous avions et il a lui même reçu un cadeau : celui de retrouver l’amour de sa vie, sa Gladys chérie qui a laissé cette vie depuis 1998. Ses cinq filles étaient présentes autour de sa dépouille mortelle. Nous n’avions pas été réunies toutes ensemble depuis le mariage de Catherine, en Haïti en Mars 1999. Quel bonheur de faire ensemble la fête aujourd’hui !
Dominique est une passionnée de généalogie. Ceci lui a permis d’établir des contacts avec des cousins de notre papa en Allemagne. Elle a invité au mariage le cousin Faramund Fabian et son fils Dirk. Je suis heureuse de nouer connaissance avec eux et de sentir le contact se faire instantanément, comme pour me prouver que les liens de sang sont solides.
La journée se déroule dans une charmante ambiance décontractée… Je pense très fort à ceux qui n’ont pas pu venir : Kris, le frère ainé de Cloé, dont la famille s’est agrandie de deux membres récemment : Yahn Émile, né le 23 décembre 2015 et Loïc Richard le 22 juin de cette année. Mon amie sœur Jacquemine qui a dû rester au chevet de sa maman Vonie, victime récemment d’une chute lui occasionnant une fracture du bassin ; je me réjouis que son frère Bertrand et son épouse Kerry avec leurs deux filles, Kristya et Elissa soient là et je compte sur eux pour qu’ils lui fassent un compte rendu fidèle de cette belle fête. Je prends des photos avec Julie, la fille de Jacquemine, et nous les lui envoyons tout de suite, une façon de lui faire sentir qu’elle est d’une certaine manière avec nous.
Tout le monde vante la qualité des musiciens qui n’ont pas cessé de nous charmer de leur musique, avec de belles interprétations d’airs internationaux bien connus. Le public est en majorité haïtien. Quoi de plus puissant pour communiquer avec un peuple que sa musique ? À notre grande surprise, ce petit orchestre entonne le « Sé pa pou dat » de Alan Cavé. On est ému d’entendre un air de chez nous sous les cieux de la Slovénie, interprété avec violon, violoncelle, accordéon et percussions. Les fiancés amoureux dansent enlacés. Les musiciens sont contents de la réaction du public qui, maintenant, tape des mains et chante. L’ambiance devient de plus en plus gaie et joyeuse. C’est une journée féerique, magique et merveilleuse, où la bonne entente, l’harmonie, la gaieté, la beauté, l’amour règnent !
On me signale que dans la cour, il y a une table où des figurines représentant Kekec et Mojca sont joliment exposées. Les convives sont invités à en prendre pour garder en souvenirs. C’est l’occasion de s’instruire. Je ne connaissais pas Kekec, petit garçon et Mojca, petite fille aveugle ; ce sont des personnages très aimés en Slovénie, issus d’histoires pour enfants écrites par le slovène Josip Vandot de Kranjska Gora. Des films ont été réalisés à partir de ses livres, et il se trouve que ce lieu merveilleux où nous avons passé l’après-midi, a servi pour filmer un film de 1963, « Good luck, Kekec ». Mes arbres de noel auront désormais Kekec et Mojca accrochés sur leurs branches. Je suis sûre que Kekec et Mojca seront utilisés de différentes manières par les invités venus au mariage de Cloé et Geoffrey qui les accrocheront dans leur cuisine, sur une porte ou dans une chambre d’enfant. Quelle que soit l’utilisation qu’ils en feront, j’aime penser que Kekec et Mojca seront un trait d’union dans les maisons de tous ceux venus à ce beau mariage.
Ceci dit, les boissons alcoolisées furent généreusement servies au cours de ce pique-nique. Je n’aime pas voir les gens ivres et quand je détecte trois invités aux démarches mal équilibrées et aux langues lourdes, je me dis que l’heure est arrivée de fermer la fête. Les chauffeurs de bus annoncent que c’est l’heure du départ. Ceux qui, comme nous, ont utilisé une voiture reprennent aussi la route.
La journée fut très belle ! Le mariage de demain arrivera-t-il à surpasser cette féérie qui a imprégné le pique-nique d’aujourd’hui ?
Arrivés au lobby de l’hôtel, nous nous réunissons encore. Moi, je veux jouir au maximum de la compagnie de tout ce monde et ne veux pas aller dormir sans avoir vu Stephie. Quand elle arrive enfin, elle est accueillie avec une salve d’applaudissements. Elle est épuisée et va tout de suite dormir dans sa chambre. Causer, rire et faire la fête creusent l’estomac ! Il est 10 heures du soir quand un groupe d’irréductibles de la fête réalise avoir faim. Le restaurant de l’hôtel a déjà fermé. Granjska Gora n’est pas grand et nous partons à pied à la recherche d’un coin où manger. Les plus jeunes dansent à un bar disco du village. Les plus âgés s’arrêtent au seul bistrot encore ouvert et qui vend des gyros. Nous n’y sommes pas accueillis chaleureusement. Le propriétaire du bistrot, seul derrière son comptoir, est agacé par ces clients bruyants qui parlent fort, refusent de faire une ligne pour placer leur commande dans l’ordre, alors il nous crie sans arrêt qu’il ne prend qu’une commande à la fois ! Il est grincheux et n’arrête pas de nous rappeler à l’ordre ; de notre côté, nous n’arrêtons pas d’en rire. Heureusement, il finit par réaliser que nous sommes vraiment là pour consommer. Il part donc appeler sa femme pour l’aider. Avec elle, nous sommes un peu mieux accueillis. Nous faisons réaliser de grosses ventes à ce couple qui travaille dur et qui sourit de plus en plus. Au moment de partir, nous avons chaleureusement remercié ce brave couple d’avoir travaillé aussi tard dans la nuit pour nous nourrir.
Ma journée fut féérique ! Une vraie journée de rêve ! Merci Cloé et Geoffrey d’avoir rendu possible un moment pareil !